<< back to the article

Bird flu and "Tamiflu".

Monday 21 November 2005 by De Beer de Laer, Daniel

reference http://www.imbroglio.be/site/spip.php?article71

"Bird flu and Tamiflu". The articulation between both these terms is an opportunity (an obligation) to come back to, and to build up again, a question that has came out in a dreadful way two years ago. The issue is related to patent and access to medicines. It is a political issue as well as both a legal and a economical one. As this question is directly connected with the way in which science and public interests are linked up, it is not far from our proccupations. The issue at stake is maybe to discuss the conditions under which the question could be transformed into a matter of concern. Not only for the public but also for lawyers, or economists or...

La grippe aviaire et le Tamiflu
Le retour de la question de l’acc?s aux m?dicaments essentiels?(1)

Sur la toile de fonds du risque annonc? d’une pand?mie mondiale meurtri?re et de la question des brevets, le Tamiflu est devenu en moins d’un mois le symbole de la g?opolitique du m?dicament o? se croisent enjeux de sant? publique ? l’?chelle mondiale, rapports Nord-Sud, relations commerciales internationales et centaines de millions d’euros de cash.(2) Le virus continue ? se propager et les experts ?voquent avec insistance le risque de mutation qui le rendra meurtrier. Foyer de la grippe aviaire, le Sud-est asiatique serait alors en premi?re ligne. Avec des r?serves d?risoires de Tamiflu, les pays du Sud sont en mauvaise posture. De l’autre c?t? de l’h?misph?re, les gouvernements se veulent rassurant. Toutes les mesures sont prises, assure-t-on, pour constituer d’importants stocks de Tamiflu. Malheureusement l’analyse montre le contraire. Si le risque est s?rieux, les gouvernements des pays industrialis?s font alors courir des risques inconsid?r?s ? la population tout en rendant la t?che plus difficile pour les pays du Sud. Il en faut peu pour changer la donne…

1?re partie.
La grippe aviaire, le Tamiflu et Roche.
Arr?t sur image, novembre 2005

1.
Organisation Mondiale de la Sant?: la grippe aviaire (3)

La grippe aviaire, appel?e parfois grippe du poulet ou peste des oiseaux, est une maladie contagieuse dont les oiseaux sont la cible naturelle. Identifi?e pour la premi?re fois en 1878, on a d?couvert en 1959 en Ecosse qu’elle pouvait ?tre hautement pathog?ne. Cette grippe a d?j? s?vi plusieurs fois dans le pass?, la premi?re fois en Italie il y a plus d’un si?cle. Depuis mi 2003, l’Asie est frapp?e d’une ?pid?mie qui se r?v?le ?tre la plus large et la plus s?v?re qu’on ait jamais vue.

L’agent causal, le virus H5N1 (4) d?riv? du virus de la grippe de type A, s’est montr? particuli?rement tenace. En d?pit de l’abattage et de la destruction de quelque 150 millions d’oiseaux, (5) le virus est consid?r? ? pr?sent comme end?mique dans plusieurs pays. Il continue ? se r?pandre. Il a notamment atteint la Russie en juillet, le Kazakhstan et la Mongolie en ao?t, la Turquie, la Croatie et la Roumanie en octobre. La capacit? du virus H5N1 de muter est une pr?occupation majeure. Des exp?riences men?es sur des souris r?v?lent que les virus qui se diss?minent actuellement sont plus mortelles et survivent plus longtemps dans l’environnement que les virus apparus en 1997, ou m?me au d?but 2004. L’habilet? du virus a se r?pandre augmente. Les observations r?v?lent par exemple que les canards domestiques peuvent ? pr?sent secr?ter de grandes quantit?s de virus sans n?cessairement pr?senter de signes de maladie. Les oiseaux porteurs de l’infection n’en sont pas n?cessairement affect?s, ou peuvent ne souffrir que d’une pathologie l?g?re. Le commerce et les migrations d’oiseaux sont ainsi particuli?rement susceptibles de propager l’affection d’un pays ? l’autre, quoique les m?canismes du ph?nom?ne ne sont toujours pas parfaitement connus.

Occasionnellement l’infection peut sauter d’un oiseau atteint (ou du mat?riel infect? comme les excr?ments) ? l’homme. Le premier cas a ?t? d?tect? ? HongKong en 1997. Toutefois, le virus ne se transmet pas facilement de l’oiseau vers l’homme. Le 25 octobre, 123 seulement cas ont ?t? recens?s depuis le d?but de l’?pid?mie actuelle, au Cambodge, en Indon?sie, en Tha?lande et au Vietnam. 65 des victimes en sont cependant d?c?d?es. Jusqu’? pr?sent, on a pas rapport? la preuve de la capacit? du virus de se transmettre d’un humain vers un autre humain.

Le danger principal vient de la probabilit? de la rencontre du virus avec un autre virus de la grippe et de la fusion entre les deux. Si une personne, ou un porc,(6) porteur du virus saisonnier de la grippe, rencontre le virus de la grippe aviaire, il pourrait y avoir un ?change de mat?riel g?n?tique entre les deux virus. Cet ?change pourrait se traduire par l’?mergence d’un nouveau virus dont les caract?ristiques peuvent ?tre diff?rentes des deux virus d’origine et plus dangereuses. Selon l’OMS, personne ne serait immunis? en pareille occurrence. Il est ?galement possible que le virus actuel mute graduellement en s’adaptant progressivement ? l’homme. Dans cette hypoth?se, le monde aurait davantage le temps de se pr?parer plus ad?quatement.(7)

Trois conditions doivent ?tre r?unies pour qu’une pand?mie humaine se d?clenche. Premi?rement, il faut qu’une nouvelle souche, un nouveau sous-type de virus de la grippe ?merge avec la capacit? d’atteindre les humains. Cette condition est remplie car le virus H5N1 peut ? pr?sent s’attaquer ? l’homme. Deuxi?mement, ce nouveau virus doit ?tre dangereux pour l’homme, ce qui ?galement d?j? attest? par la mort de plus de la moiti? des personnes qui ont ?t? infect?es. Enfin, il faut que ce virus se diss?mine facilement et durablement parmi les humains, ce qui n’est actuellement pas le cas.

Toujours d’apr?s l’OMS, le risque de conna?tre une pand?mie est s?rieux. Selon de nombreuses sources scientifiques, elle est in?vitable (8) . Si elle se d?clenche, on consid?re que les chances de la juguler sont tr?s minces, tant le virus se propagerait rapidement par la toux et l’?ternuement. Le risque est d’autant plus grand que les personnes infect?es seraient contagieuses avant de ressentir les premiers sympt?mes de la maladie.

On ne peut d?terminer ? l’avance le degr? de s?v?rit? qu’aurait la maladie, ni le nombre de morts qu’elle pourrait entra?ner, tant qu’on ne conna?t pas pr?cis?ment la nouvelle forme que prendrait le virus. Les ?pid?mies du pass? ont touch? entre 25 et 35% de la population. Sous les meilleures conditions, entre 2 et 7 millions de morts sont ? craindre (selon les projections ?tablies sur base de l’?pid?mie de 1957 au cours de laquelle 4 millions de personnes ont succomb?). Plus le virus est virulent, plus haute sera la mortalit?. La grippe espagnole a tu? au moins 40 millions de personnes en 1918.(9)

Peut-on se pr?munir par vaccination?

Un vaccin pour les oiseaux existe d?j?. N?anmoins, si les oiseaux infect?s sont alors prot?g?s de la maladie, ils n’en continuent pas moins d’?tre infectieux. L’arme de la vaccination des oiseaux doit donc ?tre utilis?e avec prudence.

Les vaccins contre la grippe saisonni?re diminuent le risque de combinaison g?n?tique entre virus et r?duisent les risques de transmission de personne ? personne. L’OMS recommande chaudement la vaccination contre la grippe saisonni?re, tout en reconnaissant que tant les stocks actuels que les capacit?s de production mondiale sont largement insuffisants pour r?pondre aux besoins (10) .

Un vaccin sp?cifique contre le virus H5N1 est ? l’?tude dans diff?rents pays.(11) Malheureusement, un vaccin ne pourrait ?tre disponible que plusieurs mois apr?s le d?clenchement d’une pand?mie. En effet, il n’est pas possible de pr?voir quelle sera la forme du virus mutant, et d?s lors impossible de pr?parer ? l’avance le vaccin ad?quat.(12)

Ind?pendamment du d?lai requis pour la mise au point d’un vaccin, les capacit?s mondiales actuelles de production de vaccins seraient tout ? fait insuffisantes pour r?pondre aux besoins n?s d’une pand?mie. En Europe, o? se concentre plus de 70% de la production mondiale de vaccins, 30 ? 60% seulement de la population pourrait ?tre vaccin?es.(13)

Quelle m?dication possible?

Deux mol?cules, l’oseltamivir phosphate (dont le nom de marque est Tamiflu (14) , que produit la firme pharmaceutique Roche) et le zanamivir (commercialis? sous le nom de Relenza, fabriqu? par GlaxoSmithKline) peuvent r?duire la s?v?rit? et la dur?e de la maladie caus?e par la grippe saisonni?re. Ces m?dicaments ne sont efficaces que s’ils sont administr?s dans les 48 heures de l’apparition des premiers sympt?mes. Bien que les donn?es cliniques soient tr?s limit?es, on peut s’attendre ? ce que, trait?es dans les temps voulus, les personnes atteintes par le virus H5N1 voient leur chance de survie augmenter consid?rablement.

Les m?rites respectifs des deux m?dicaments sont l’objet de discussions.(15) Le Tamiflu est g?n?ralement pr?f?r? pour ses facilit?s de stockage. Le Relenza se pr?sente sous la forme d’inhalateurs. Le Tamiflu peut ais?ment ?tre entrepos? sous forme conditionn?e (en tablettes de dix g?lules) ou en vrac (en poudre). Bien que de nombreux pays cherchent ?galement ? acqu?rir du Relenza, c’est essentiellement de l’oseltamivir et de Roche dont il sera question.

Un traitement dure cinq jours, ? raison de deux g?lules quotidiennes. Une tablette de Tamiflu, comprenant dix g?lules pour un traitement, est vendue environ 50 €.(16) La p?remption est atteinte en cinq ans environ.

Les deux principales contraintes, substantielles, sont les limites des capacit?s de production industrielle du Tamiflu et son prix qui est prohibitif pour de nombreux pays. Bien que la capacit? de production ait r?cemment quadrupl?, il faudrait dix ans ? Roche pour produire assez de Tamiflu pour traiter 20% de la population mondiale.

L’Organisation Mondiale de la Sant? et le Tamiflu

L’OMS surveille la situation du plus pr?s possible et elle propose divers conseils, guides et recommandations.(17) L’OMS a fortement recommand? ? tous les pays du monde de constituer des stocks d’antiviraux comme le Tamiflu. L’OMS n’a pas fix? de quota de r?f?rence mais la plupart des pays qui en ont la possibilit? financi?re tablent sur des r?serves permettant de traiter entre 20 et 25% de leur population.

2.(18)
Les besoins de Tamiflu (19) et l’?tat des stocks

Les besoins

Fin octobre 2005. Quasi tous les pays du monde s’accordent sur la r?alit? du risque du d?clenchement d’une pand?mie et sur l’imp?rieuse n?cessit? de constituer des stocks d’antiviraux. Cependant, la hauteur des stocks envisag?s d?pend essentiellement des capacit?s financi?res des Etats.

Le gouvernement Nord-am?ricain veut se doter d’une r?serve de 81 millions de doses (ou traitements), soit l’?quivalent de 210 millions de g?lules.(20)

L’Union Europ?enne s’est d?clar?e en ?tat d’alerte globale et a press? ses Etats membres de constituer des stocks. L’importance des r?serves est laiss?e ? l’appr?ciation des Etats, mais on ?voque le plus souvent des stocks suffisants pour traiter 25% de la population.(21) Le Royaume-Uni a command? 14,6 millions de traitements (permettant de traiter 24% de la population), la Norv?ge 1,4 millions (30%), la France 14 millions (23,8%), l’Espagne 10 millions (25%) (22) …

La Belgique a pris les mesures pour provisionner une r?serve de 3 millions de traitements (33% de la population).(23)

En Am?rique Latine ou en Asie, les stocks et les commandes sont plus modestes voire quasi inexistants, ?tat des finances oblige. Rien qu’au vu de la situation qui pr?vaut dans quelques uns des pays d?j? touch?s par la grippe aviaire, la diff?rence avec les pays occidentaux est saisissante. La Tha?lande, 62 millions d’habitants, a command? 200.000 traitements, de nature ? couvrir 0,3% de la population; Taiwan, 23 millions de personnes, 3 millions de doses, (7%); la Malaisie, 24 millions, 60.000 traitements (0,22%), le Vietnam, 75 millions d’habitants, 60.000 traitements et 100.000 attendus (0,24%); l’Indon?sie, 220 millions, 65.000 traitements (0,03%); l’Inde, un milliard d’habitants, 10 millions de doses (1%)…(24) Si de nouveaux foyers de la grippe aviaire surgissent ou si une pand?mie humaine se d?clenche, la plupart des pays asiatiques ne peuvent compter que sur une hypoth?tique solidarit? internationale. A cet ?gard, Roche a promis ? l’OMS un don de 3 millions de traitements, mais ce stock ne sera constitu? qu’en 2007. Du c?t? des pays sub-sahariens, l’impr?paration est totale.(25)

L’ampleur de la p?nurie mondiale est ?galement attest?e par le fait que Roche, actuellement point de passage oblig? des commandes, n’en a re?u que d’une quarantaine de pays.(26)

L’?tat des stocks fin octobre et les d?lais d’attente

Si les imp?ratifs de sant? publique poussent les Etats qui en ont les moyens ? constituer des r?serves, celles-ci sont dramatiquement loin d’atteindre les objectifs fix?s.

Fin octobre, le gouvernement Nord-am?ricain disposait d’un stock de Tamiflu susceptible de traiter 2,3 millions de personnes, soit moins de 1% de sa population.(27) A quelques pourcents pr?s, la situation est la m?me pour quasiment tous les pays du monde.(28) Toujours fin octobre, les stocks permettaient de traiter 2% de la population au Royaume Uni, 5% en Belgique, 0,5% au Portugal, 1,07% en Tha?lande, 0,05% au Japon, 1% ? Taiwan, 0% en Inde, 0,03% en Indon?sie (29) etc. Mis tous ensemble, les Etats membres de l’Union Europ?enne disposaient fin octobre d’un stock d’environ 10 millions de traitements pour 500 millions d’habitants (2%) et n’atteindront 46 millions (9,2%) que fin 2007.(30)

L’OMS n’est pas mieux lotie. Ses stocks ne lui permettent de traiter que 80.000 personnes. Ce n’est qu’en 2006 et 2007 qu’elle recevra de quoi traiter finalement 3 millions de personnes.

Les Etats sont bloqu?s par l’incapacit? de Roche de r?pondre aux commandes dans des d?lais raisonnables, malgr? l’accroissement de ses moyens de production directs ou indirects (cfr. infra, Roche et le Tamiflu).

La Belgique a par exemple d?j? constitu? une provision de 450.000 traitements (un peu moins de 5% de la population), mais l’objectif de 3 millions de traitements ne sera pas atteint avant fin 2007.(31) Le d?lai d’attente est du m?me ordre pour tout le monde. De plus, Roche a d?j? pr?venu qu’il n’y aurait aucune livraison suppl?mentaire plus pr?coce, m?me en cas de pand?mie: "Nous appliquons le principe first in first out" a d?clar? la firme.(32)

La situation est pour le moins paradoxale. Des mesures draconiennes, au co?t se chiffrant en milliards d’euros, sont prises pour pr?venir l’irruption d’une pand?mie. Les scientifiques jugent les risques de mutation du virus et de contagion d’homme ? homme in?vitables, probables ou plausibles selon les expertises, avec des estimations variant de 2 ? 300 millions de morts. Cette menace est prise au s?rieux par la plupart des gouvernements. Aujourd’hui, ce qui est consid?r? comme ?tant la principale, si ce n’est la seule mesure pouvant prot?ger les populations en situation de pand?mie humaine, tient tout enti?re entre les mains d’une firme priv?e, celle-ci avouant de surcro?t ?tre incapable de r?pondre dans des d?lais raisonnables aux besoins consid?r?s comme vitaux pour la sant? publique.

3.
Roche et le Tamiflu

Le g?ant pharmaceutique suisse Roche a ?t? fond? en 1896 par Fritz Hoffman-La Roche. Roche est le huiti?me g?ant de la pharmacie mondiale, apr?s Pfizer, GlaxoSmithKline, Sanofi-Aventis, Johnson&Johnson, Merck&Co, Novartis et Astra Zeneca.(33) Une vingtaine de membres de la famille fondatrice d?tient encore un dixi?me des parts tout en ayant conserv? 50,01% des droits de vote.

Roche n’a pas invent? le Tamiflu. "L’origine du m?dicament vient d’un laboratoire public, comme bien souvent en pharmacie. C’est l’australien Peter Colman et son ?quipe, du Centre de recherche scientifique et industriel du Commonwealth, qui met au point, ? la fin des ann?es 80, le premier m?dicament d’une nouvelle classe th?rapeutique baptis?e inhibiteurs de neuramidase…".(34) Ce m?dicament est le zanamivir, connu sous le nom de Relenza dont le g?ant britanique GlaxoSmithKline s’est procur? les droits et brevets. Se basant sur les recherches australiennes, la soci?t? californienne Gilead Science a d?velopp? l’oseltamivir, appel? Tamiflu. Gilead Science est le propri?taire des brevets sur le Tamiflu, qui expirent en 2016. En 1996, Gilead a sign? avec Roche un accord de d?veloppement et d’exploitation sous licence du m?dicament, comprenant notamment le droit de "sous-licensier" moyennant certaines conditions.(35) En compensation, Gilead re?oit des royalties.(36)

Si la commande est importante, Roche vendrait une tablette de Tamiflu 15 euros dans les pays d?velopp?s et 12 euros ailleurs.(37) En 2004, le chiffre d’affaire du Tamiflu n’?tait que de 212 millions d’euros, un montant d?risoire dans le monde de la pharmacie. L’explosion de la demande de Tamiflu a chang? la donne, avec des retomb?es financi?res aussi sensationnelles qu’inesp?r?es pour Roche. Roche est actuellement la firme pharmaceutique la plus performante au monde sur le plan financier. Atteignant 553 millions d’euros en septembre, les ventes de Tamiflu ont bondi de 263% durant les trois premiers trimestres de l’ann?e 2005 et le chiffre d’affaire global de la firme atteignait 16,36 milliards d’euros pour la m?me p?riode, affichant ainsi une hausse de 16% en neuf mois.(38) Avec l’extension de ses capacit?s directes ou indirectes de production, le Tamiflu de Roche a toute les chances de devenir un blockbuster avec des ventes annuelles de plus d’un milliard de dollars. Roche entend bien "faire un malheur" avec le Tamiflu.(39)

Roche et le monopole de la production mondiale du Tamiflu

Roche livre bataille. Bataille d’abord pour demeurer le seul fabriquant du Tamiflu, et quand cette position est devenue intenable, pour rester ma?tre de cette production, et bataille pour garder l’int?gralit? des pr?rogatives li?es ? la d?tention des brevets et en ?viter tout accommodement.

Roche a d’abord voulu rester le seul fabriquant de Tamiflu.(40) Le pharmacien a ?tendu ses capacit?s de production autant qu’il le pouvait, notamment aux Etats-Unis o? une nouvelle unit? de production sera op?rationnelle ? la fin de cette ann?e. Roche a ?galement fait appel ? des sous-traitants, dont le nom a ?t? tenu secret pour "des raisons de s?curit?".(41)

Un influent s?nateur am?ricain ne s’en est pas satisfait et Roche s’est vu brandir la menace d’une licence obligatoire s’il n’?tendait pas davantage les capacit?s de production du m?dicament aux Etats-Unis par l’octroi volontaire de licences ? d’autres fabricants.(42) Face ? cet ultimatum, Roche s’y est r?solu et la firme a ouvert des n?gociations avec quatre fabricants de m?dicaments g?n?riques install?s aux Etats-Unis (43) , en vue d’augmenter la fabrication et la disponibilit? du produit sur le territoire (44) . D’ici mi-2006, Roche aura au total augment? de huit ? dix fois sa capacit? de production initiale de Tamiflu.

Roche n’en reste pas moins tr?s en de?? de pouvoir r?pondre aux demandes et aux besoins, et les pressions ne cessant pas de peser sur la firme, elle a du conc?der le principe d’ouvrir de nouvelles discussions. Ces pourparlers portent sur la concession de licences secondaires de production du Tamiflu.(45) Il s’agit de n?gociations bilat?rales men?es au cas par cas, selon les conditions fix?es par Roche pour pr?server ses acquis commerciaux et ses droits de propri?t? intellectuelle.(46)

2?me partie.
La politique mondiale de Roche. Brevet et licence obligatoire.
OMC et l’Accord du 30 ao?t.
Les "d?clarations de non usage"

1.
Roche et l’Occident

Fin octobre, les pressions sur Roche ne faiblissaient pas malgr? les mesures prises par la firme pour augmenter la production de Tamiflu. A moins d’un ?loignement tr?s improbable ? court ou moyen terme de la menace d’une pand?mie, Roche va tr?s probablement ?tre accul?e tant en Europe qu’aux Etats-Unis - et peut-?tre au Japon, ? faire affaire avec d’autres compagnies, ?ventuellement concurrentes, et ? les autoriser ? produire le Tamiflu sous licences. Roche ne s’y r?soudra pas de gaiet? de cœur, ces concessions seront durement n?goci?es et se feront au coup par coup. S’il y a effectivement augmentation des capacit?s de production par l’octroi de nouvelles licences, il faudra cependant attendre un temps consid?rable avant d’en voir les effets concrets. Apr?s le temps des n?gociations viennent les d?lais de fabrication ou d’adaptation des outillages, de commande du mat?riel etc., alors qu’en octobre la demande de Tamiflu continuait d’exploser m?me en Europe.(47)

Malgr? le spectre de la p?nurie en situation de pand?mie, l’Occident s’accommode des d?lais de Roche. Sauf ?ventuellement comme arme de n?gociation vis-?-vis de la firme, on n’?voque pas le recours ? la licence obligatoire, ce m?canisme juridique qui permet de confier ? un tiers la fabrication de la pr?cieuse mol?cule malgr? le refus de Roche. Pourtant, on verra plus loin que de grands laboratoires internationaux ?taient d?j? pr?ts d?but novembre ? commencer imm?diatement la production massive de copies du Tamiflu. Les gouvernements occidentaux semblent faire le pari que la pand?mie aura le bon go?t de suivre l’agenda de Roche…

2.
Roche et le reste du monde

Le reste du monde est log? ? la m?me enseigne que l’Occident… ? quelques solides nuances pr?s. Les stocks d’antiviraux sont dramatiquement faibles ou inexistants, y compris pour les pays du Sud-est asiatique qui sont en premi?res lignes, et les conditions ?conomiques ne peuvent ?tre compar?es. Comme en Occident, Roche a du abandonner ses pr?tentions d’?tre le seul fabriquant de Tamiflu. Elle s’est d?clar?e pr?te ? envisager toute forme de collaboration, c’est-?-dire la concession de licences de fabrication. Une palette de conditions assortit habituellement ces licences: paiement de royalties non n?gligeables, limitation des ventes au territoire du pays, fixation d’un prix minimum de vente, ?ventuelle fourchette de production et de vente etc.

Ce sc?nario est malheureusement impraticable dans les pays du Sud. On ne peut comparer le march? du m?dicament (48) en Europe ou aux Etats-Unis avec celui des pays en voie de d?veloppement, et c’est l? que le b?t blesse.

Le march? du m?dicament dans les pays en voie de d?veloppement

L’?conomie du m?dicament dans les pays en voie de d?veloppement est complexe et contrast?e. A tout le moins est-il certain que, ? de rarissimes exceptions pr?s, elle est compl?tement conditionn?e par la grande faiblesse du pouvoir d’achat de la population, et par l’?troitesse des ressources mobilisables par le secteur public (49) . Un industriel avis? n’envisagera de se lancer qu’? certaines conditions dans les investissements non n?gligeables inh?rents ? la production d’un m?dicament comme le Tamiflu. Il est indispensable de pouvoir vendre ? un prix tr?s bas, fix? ? une petite fraction au dessus des co?ts de production, ceux-ci devant ?tre quant ? eux ?cras?s par d’importantes ?conomies d’?chelle et donc par un volume de vente consid?rable. Les stocks de Tamiflu que ces pays cherchent ? constituer sont bien trop petits pour valoir les investissements, m?me s’ils les d?cuplaient. D’autre part, le march? libre offre peu de potentiel car les gens n’ont pas les moyens d’investir dans un m?dicament dont ils n’ont pas un besoin actuel vital. En revanche, en situation de pand?mie, le march? pourrait jouer un r?le important par l’explosion certaine de la demande priv?e. L’?quation n’est pas facile ? r?soudre!

Par contre, la donne change si le march? n’est pas limit? au territoire national. L’addition des commandes de plusieurs pays d’Afrique, d’Asie ou d’Am?rique Latine par exemple, fussent-elles r?duites pour chacun d’entre eux, pourrait commencer ? faire volume.

Dans les pays en voie de d?veloppement, la viabilit? ?conomique de la production de Tamiflu ou de copies ne peut donc ?tre assur?e qu’? trois conditions: un taux de royalties extr?mement bas, un march? couvrant tant le secteur public que priv?, et un march? international (50) . Tant que Roche se souscrit pas ? ces pr? requis, les contraintes du march? et les conditions de Roche resteront difficilement compatibles.(51)

Les licences de Roche dans les pays en voie de d?veloppement

On ne peut s’emp?cher d’?tablir le parall?le avec la politique des pharmaciens dans le domaine des m?dicaments anti-sida. Malgr? l’h?catombe, aucun des g?ants pharmaceutiques titulaires de brevets sur des m?dicaments anti-sida n’a jamais conc?d? ? un industriel du Sud une licence volontaire sur un m?dicament dont l’exploitation aurait ?t? ?conomiquement viable. En terme de disponibilit? des m?dicaments anti-sida, le r?sultat en est en g?n?ral un salmigondis, m?lant quelques programmes nationaux publics, des aides internationales finan?ant des achats ponctuels ou desservant une ?re g?ographique r?duite (les m?dicaments devant ?tre de marque ou pouvant ?tre g?n?riques (52) selon les convictions des donateurs), quelques dons de l’industrie pharmaceutique, et un march? mal fourni en m?dicaments vendus ? prix prohibitif…(53)

Si Roche n’est pas tr?s diserte sur le d?tail des conditions qu’elle entend imposer, l’exp?rience atteste qu’elles sont assur?ment limitatives. Il est certain que Roche monnaye un taux de royalties plus favorable que celui qu’elle r?clame en Occident en jouant avec quatre types de clauses. Les licences seront, en tout ou partie, limit?es dans le temps, limit?es au secteur public, limit?es au territoire du pays demandeur et limit?es ? la constitution de r?serves.(54) Le profond foss? entre les contraintes du march? du m?dicament dans l’h?misph?re Sud et les pratiques commerciales des g?ants de la pharmacie comme Roche ne semble pas pr?s d’?tre combl?.

Il est n?anmoins tr?s probable que quelques accords finissent par ?tre conclus entre Roche et certains gouvernements du Sud. D’?vidence, Roche est soumis ? d’intenses pressions pour plus de souplesse dans les pays du Sud. Son image de marque pourrait ?tre s?rieusement ?corn?e par une intransigeance trop absolue. Il faut ?viter aussi de nourrir la tentation de contourner les brevets pour les gouvernements qui doivent faire face ? des opinions publiques nationales et internationales de plus en plus inqui?tes ou offusqu?es. Enfin, et ce n’est pas le moindre argument, un blocage total de la part de Roche affaiblirait consid?rablement la position des pays et lobbys qui d?fendent un r?gime de brevet strict en pharmacie.

Roche va donc vraisemblablement l?cher du lest, mais de mani?re cibl?e et limit?e. On peut imaginer des licences ou des accords de partenariat avec des gouvernements suffisamment argent?s, comme la Cor?e du Sud, voire le Vietnam. Ou avec la Chine, o? Roche n?gocie actuellement une implantation globale durable.(55) On peut songer aussi au Br?sil qui a une forte exp?rience de programme de sant? segment?.(56) Consid?rant ce qui est dit sur l’ampleur des besoins - et l’urgence d’y r?pondre, c’est fort peu ...

Comment expliquer la duret? de la politique de Roche ? propos du Tamiflu, qui rappelle tant celle de ses commensaux pour les m?dicaments anti-sida? Par un grand app?tit de profit maximum ? court terme? Par le souci de pr?server les capacit?s de recherche de nouveaux m?dicaments? Ces motifs ne r?sistent pas ? l’analyse. En r?alit?, l’octroi de licences souples et viables n’entra?ne pas n?cessairement une diminution des b?n?fices de Roche et de ses pairs. La plupart des pays dits "moins avanc?s" ou "les moins avanc?s" ne constituent pas aujourd’hui un march? financi?rement int?ressant. P?n?trer ces march?s, fusse au prix de royalties fort modestes, pourrait m?me peut-?tre permettre d’engranger des b?n?fices inesp?r?s de ces march?s aujourd’hui largement st?riles. L’enjeu r?el n’est pas l?. La seule hypoth?se plausible est que Roche est inspir?e par le souci de pr?server un monopole de fait sans faille et par la volont? d’?touffer dans l’œuf de ce qui pourrait devenir une jurisprudence l?gitimant la mise en balance d’int?r?ts priv?s avec les imp?ratifs li?s ? la sant? publique.

3.
Roche et les licences obligatoires

La licence obligatoire, cette autorisation de copier sans la permission du titulaire du brevet, est le cauchemar des pharmaciens mondiaux. Roche est ?videmment parfaitement consciente de l’incompatibilit? de ses exigences avec les finances et le march? de la plupart des pays du Sud. Dans ces pays, la tentation de recourir aux licences obligatoires est forte. Parall?lement ? la bataille de tranch?es pour la ma?trise de la production du Tamiflu, Roche, avec le soutien des puissants lobbys pharmaceutiques,(57) n’a de cesse de chercher ? en d?courager toute vell?it?. Le fabriquant a d’abord trait? les menaces de contournement de son monopole par le m?pris. La production de Tamiflu est un processus tr?s complexe requ?rant au moins dix ?tapes - dont l’une potentiellement explosive (58) - et prenant au moins douze mois, affirmait la firme. "Personne ne peut le faire plus rapidement. Notre hypoth?se est que cela prendrait au moins trois ans ? un fabriquant de m?dicaments g?n?riques pour y arriver. Il n’y a d?s lors aucun sens ? se lancer dans la fabrication sans licence", sous-entendu sans le transfert de technologie et la communication des donn?es techniques qui accompagnent la concession volontaire d’une licence.(59) Autrement dit, tenter de passer outre l’autorisation de Roche en obtenant une licence obligatoire est une ineptie…(60)

Roche soutenait ainsi que la production de Tamiflu est impossible ? court ou moyen terme sans son savoir-faire. L’exp?rience montre cependant que l’industrie du g?n?rique a habituellement la capacit? de r?inventer la technologie avec plus ou moins de c?l?rit?. Cette fois-ci, les pronostics de Roche ont ?t? d?jou?s en 24 heures. D?s le lendemain de la d?claration de Roche, une des plus importantes compagnies pharmaceutiques indiennes, Cipla de Bombay, annon?ait qu’elle ?tait en mesure de commencer la fabrication de copies du Tamiflu d?s le mois de janvier 2006, qui seraient vendues ? un prix "humanitaires".(61) La compagnie pr?cisait qu’elle n’excluait pas le recours ? une licence obligatoire, au plus grand d?plaisir de la firme baloise qui a averti qu’il y aurait de promptes r?actions s’il y avait la moindre entorse ? ses droits.(62)

Malgr? ces menaces, d’autres pays ont suivi l’Inde et ont d?clar? envisager s?rieusement la production de m?dicaments g?n?riques, ?ventuellement sous couvert d’une licence obligatoire: Taiwan, la Tha?lande, l’Argentine, le Br?sil, la Cor?e du Sud, le Vietnam, la Chine, les Philippines…(63) Deux laboratoires gouvernementaux, ? Taiwan et en Tha?lande, avaient d?j? r?ussi d?but novembre ? copier le Tamiflu et annon?aient ?tre en mesure de commencer la production ? tr?s bref d?lai. Le prix en serait au moins 66% inf?rieur ? celui du Tamiflu.(64)

4.
Les licences obligatoires

La licence obligatoire

Il est tr?s compr?hensible que les pays du Sud qui envisagent de se lancer dans la production de Tamiflu ?voquent le recours aux licences obligatoires. C’est pour les uns un argument de n?gociation vis-?-vis de Roche, mais il s’agit pour les autres du seul moyen d’?chapper aux contraintes impos?es par la firme, et d’esp?rer pouvoir fabriquer et d?livrer le m?dicament selon des termes ?conomiquement soutenables. On parle de licence obligatoire, ou de licence d’office, lorsque les autorit?s d’un pays accordent ? un producteur le droit de copier et d’utiliser ce qui est prot?g? par un brevet sans l’autorisation du titulaire de ce brevet. Ce droit est formellement reconnu ? l’?chelon mondial, par l’Accord sur les Aspects des Droits de Propri?t? Intellectuelle qui touchent au Commerce (l’Accord sur les ADPIC), qui fait partie du droit de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC). La licence obligatoire est d’ailleurs pr?vue dans toutes les l?gislations sur les droits de propri?t? intellectuelle du monde. Il s’agit d’une "institution juridique" d’usage relativement courant, notamment entre soci?t?s commerciales pour contrer des pratiques anti-comp?titives.(65) Roche y a d?j? recouru.(66) Les Etats-Unis eux-m?mes, pourtant grand champion des droits des pharmaciens, ont brandi la menace d’une licence obligatoire pour convaincre Roche de conc?der ? quelques fabricants de m?dicaments g?n?riques nationaux des licences volontaires de fabrication du Tamiflu. Le gouvernement ?tasunien avait us? de la m?me menace ? l’encontre de Bayer lors des envois postaux d’anthrax peu apr?s les attentats du 11 septembre 2001.(67)

L’Accord sur les ADPIC pr?voit diverses hypoth?ses qui peuvent justifier l’?mission d’une licence obligatoire. Parmi celles-ci figurent en bonne place les consid?rations de sant? publique.(68) La Conf?rence Minist?rielle de l’OMC l’a encore confirm? en novembre 2001 dans ce qu’on appelle la D?claration de Doha.(69)

Il n’est pas inutile de rappeler que cette d?claration est l’aboutissement d’une gigantesque bataille mondiale qui a commenc? en Afrique du Sud - pays o? la pand?mie du sida est la plus meurtri?re, lorsque trente-neuf firmes pharmaceutiques - dont Roche, ont fait proc?s contre le gouvernement qui voulait adopter une loi permettant notamment l’?mission de licences obligatoires lorsque la sant? publique l’exigeait. Face au scandale de ces "brevets contre la vie", les firmes ont abandonn? le proc?s en avril 2001. La question est revenue sur la table de la r?union de l’Organisation Mondiale du Commerce en novembre de la m?me ann?e. Le contexte international de l’?poque ?tait tel que les puissants d?fenseurs de droits de propri?t? intellectuelle inflexibles en mati?re de pharmacie, les Etats-Unis, l’Europe, le Japon et la Suisse, n’ont pu emp?cher ce qui est devenu la D?claration de Doha.

Malgr? la D?claration de Doha, ?mettre une licence obligatoire n’est pas une sin?cure. S’il y a des limites juridiques strictes, il y a aussi d’autres difficult?s tout aussi redoutables bien que moins ais?ment quantifiables. En effet, Doha n’a pas emp?ch? les champions des entreprises pharmaceutiques de continuer ? combattre bec et ongles tout recours aux licences obligatoires dans le domaine pharmaceutique. A cet ?gard, l’Occident ne manque pas d’arguments ?conomiques de poids face ? des ?conomies fragiles, terriblement d?pendantes de leurs exportations.(70) Il faut garder cet aspect ? l’esprit. Les d?tails en en sont moins connus, bien que les documents existent (71) et qu’il soit malheureusement encore tr?s pr?sent aujourd’hui.

En elle-m?me, la mani?re de faire n’est pas tr?s complexe, d?s que le pays qui s’appr?te ? ?mettre une licence obligatoire d?clare qu’il s’agit d’une situation d’urgence nationale.(72) En pareille occurrence, le titulaire des droits li?s au brevet ne peut s’y opposer.(73) Des royalties doivent ?tre pay?es, mais elles seront calcul?es "selon le cas d’esp?ce, compte tenu de la valeur ?conomique de l’autorisation"(74) , ce qui n’est pas de nature ? grever trop lourdement les co?ts de production de m?dicaments g?n?riques dans un environnement au pouvoir d’achat tr?s faible.

Malheureusement, imp?rieuses exigences de sant? publique ou non, une licence obligatoire ne peut ?tre ?mise qu’en vue d’approvisionner principalement le march? int?rieur.(75) On en revient ainsi ? la case d?part, l’absence de viabilit? ?conomique de la production de m?dicaments g?n?riques destin?s au seul march? int?rieur …

Pressions internationales et contraintes juridico-?conomiques… Il n’est pas ?tonnant que le recours aux licences obligatoires dans le domaine de la pharmacie soit si rare dans les pays en voie de d?veloppement, quels que soient les ravages du sida par exemple.

5.
L’exception du 30 ao?t 2003 ou les doubles licences obligatoires

La D?claration de Doha avait n?anmoins un autre m?rite. Elle a aussi ?tabli un agenda pour r?soudre l’?pineux probl?me des pays qui n’ont pas de fabricants locaux, ou dont l’industrie pharmaceutique est incapable de r?pondre ? un besoin de sant? publique.(76) Sans fabriquant local ? qui confier la production de m?dicaments g?n?riques, une licence obligatoire n’a ?videmment pas de sens. Les pays d?pourvus de capacit? industrielle en pharmacie cumulent souvent les handicaps de la pauvret? et des ravages occasionn?s par le sida, la malaria et autres fl?aux. Sans rentrer dans le d?tail de longues et p?nibles n?gociations, un accord sur cette question a ?t? obtenu ? l’arrach? le 30 ao?t 2003,(77) ? la veille du sommet de l’OMC ? Cancun.

Il a ?t? convenu qu’un pays qui a besoin de m?dicaments g?n?riques sans avoir sur son territoire la capacit? industrielle d’y r?pondre, doit ?mettre une licence obligatoire. Cette licence est dirig?e vers le pays de son choix qui, par hypoth?se, dispose des moyens de r?pondre ? la demande. Si ce dernier l’accepte, il doit ? son tour ?mettre une licence obligatoire correspondant ? la demande. Le principe est d?j? un peu byzantin,(78) mais la proc?dure ? suivre pour le mettre en pratique est ? tout le moins complexe et dissuasive. L’accord est truff? de contraintes techniques, d’arcanes administratives, et de mesures qui en handicapent la viabilit? ?conomique.(79)

L’Accord du 30 ao?t s’applique ? tous les membres de l’OMC. Mais le b?n?fice de cet accord est facultatif et ne contraint personne. Toutefois, les pays industrialis?s ont tenu ? faire figurer dans le texte une curieuse disposition: "Un Membre (de l’OMC) pourra notifier ? tout moment qu’il utilisera le syst?me en totalit? ou d’une mani?re limit?e (…). Il est ? noter que certains Membres n’utiliseront pas le syst?me d?crit dans la pr?sente d?cision en tant que Membre importateur".(80) Lors de la signature de l’accord, les Etats-Unis, les quinze membres de l’Union Europ?enne de l’?poque (81) et quelques autres pays (82) , ont ajout?, sous forme de "note en bas de page" qu’en aucun cas, m?me en situation d’imp?rieuse n?cessit? nationale, ils n’utiliseraient le syst?me mis en place (du moins en qualit? de pays demandeur ou importateur(83) ). On voit mal l’objectif de cette "clause de sortie", ou "d?claration de non-usage" - par r?f?rence au mot anglais opt-out, sauf le souci de rassurer l’industrie pharmaceutique occidentale, d’affaiblir la l?gitimit? du dispositif mis en place, et de stigmatiser les pays qui y auraient recours (84) .

Tout a ?t? fait pour rendre ce dispositif dissuasif. La preuve ?clatante de l’?chec du syst?me est d’ailleurs faite: plus de deux ans apr?s l’entr?e en vigueur de l’accord, aucun pays de par le monde n’y a fait appel. Aucun…

6.
D’imprudentes et dangereuses d?clarations. Retour ? la grippe aviaire.
La corde au cou et la roulette russe?

En pratique, ces d?clarations de non usage entra?nent pour ceux qui les ont sign?es une auto interdiction d’importer des m?dicaments dont la port?e est fort large.(85) L’exemple de la Belgique et du Tamiflu peut l’illustrer. La Belgique est en ?tat d’urgence nationale, le Tamiflu manque et Roche ne peut r?pondre aux commandes en temps utiles. Il ne sert ? rien d’?mettre une licence obligatoire, car il n’y a pas d’industrie du g?n?rique en Belgique susceptible de pallier les d?ficiences du fournisseur. Fid?le ? sa d?claration de non usage, la Belgique n’a pas int?gr? dans sa l?gislation nationale le m?canisme fix? par l’Accord du 30 ao?t. En cons?quence, elle ne peut pas recourir ? une licence obligatoire dirig?e vers l’indien Cipla ou vers d’autres industriels du g?n?rique qui peuvent assurer des livraisons rapides du m?dicament. Le pays ne pourrait pas davantage se tourner vers un pays dans lequel Roche a conclu un contrat de licence de production de Tamiflu, comme aux Etats-Unis aujourd’hui et peut-?tre ailleurs demain. Ces licences limitent en effet la production et la vente ? l’?re g?ographique fix?e par Roche, la firme ne pr?voyant pas l’autorisation de lui faire concurrence sur d’autres territoires. M?me en l’absence de pareille clause, la priorit? de ces Etats, qui peinent ? constituer leurs propres stocks, est d’approvisionner leur march? int?rieur. La Belgique s’est plac?e en situation d’autarcie. Elle s’est bel et bien mis la corde au cou…

Il en est de m?me pour tous les pays qui ont sign? ces regrettables d?clarations, y compris ceux qui disposent d’une industrie pharmaceutique. Les Etats-Unis par exemple ne sont pas log?s ? meilleure enseigne.

A l’?poque o? ces "d?clarations de non usage ", tr?s condescendantes pour les pays du Sud, ont ?t? sign?es, les pays occidentaux imaginaient sans doute impensable d’?tre confront?s ? une p?nurie de m?dicaments. Elles ont aujourd’hui un f?cheux effet "boomerang".

A l’instar de la communaut? internationale, la Belgique est en ?tat d’alerte maximale. Elle a adopt? une kyrielle de dispositions pr?ventives ou pr?cautionneuses,(86) ? un co?t ?conomique consid?rable. Elle a consid?r? que le souci de la sant? publique requ?rait de se doter d’un stock de 3 millions de traitements… et elle se contente d’attendre passivement que Roche soit en mesure d’honorer la commande. Si le risque a l’acuit? et l’actualit? qu’on lui pr?te, le gouvernement joue ? la roulette russe avec la sant? et la vie de la population.

7.
Il suffit de peu pour changer la situation

Pourtant il faut peu pour changer la donne. Si une simple d?claration unilat?rale a suffi pour se mettre la corde au cou, il suffit de faire la d?claration inverse pour se d?lier. La d?marche est simple, l’envoi d’une lettre du Ministre du Commerce ? l’OMC suffit.

Une fois d?li?e, la Belgique devrait adapter sa l?gislation. Il s’agit notamment de compl?ter la loi sur les brevets en y int?grant le dispositif mis en place par l’Accord du 30 ao?t. Sous couvert de l’urgence, quelques semaines seulement seraient n?cessaires. Le gouvernement pourra ensuite ?mettre sans attendre des licences obligatoires en direction d’autres pays, comme l’Inde dont l’industrie pharmaceutique est d?j? pr?te ? produire le m?dicament.(87) Men?es avec diligences, ces d?marches pourraient mener ? un gain de temps consid?rable pour la constitution des r?serves. En tout ?tat de cause, on cr?erait ainsi une source d’approvisionnement qui pourrait devenir vitale pour des dizaines ou des centaines de milliers de personnes si une pand?mie se d?clare sur le territoire national avant que les stocks qui permettraient d’y faire face soient constitu?s.

Le reste est affaire de gestion, de choix et de n?gociations politiques et techniques pour lesquels les pays occidentaux sont bien outill?s. L’achat de m?dicaments g?n?riques permet de faire des ?conomies en terme de royalties. Pourquoi ne pas pr?voir que ces royalties seraient vers?es ? Roche si jamais les stocks de m?dicaments g?n?riques devaient ?tre utilis?s? (88)

Sans doute les institutions europ?ennes ne verraient-elles pas d’un bon œil un pays europ?en s’engager dans cette voie.(89) Mais ces institutions sont au service des Europ?ens et la politique europ?enne refl?te celle des Etats. Mise au courant de la situation actuelle, il est certain que la population des pays d’Europe voterait massivement pour la lev?e des "d?clarations de non utilisation". Et l’exemple d’un pays pourrait faire rapidement tache d’huile.

Le retrait de la d?claration de non usage aurait par ailleurs d’autres incidences hautement appr?ciables. Ce serait un message clair ? destination des pays du Sud. Une jurisprudence, qui signifierait que oui, les consid?rations de sant? publique valent qu’on recoure aux flexibilit?s qu’offre le droit des brevets et non, ce n’est pas se mettre au ban de la communaut? internationale que de les utiliser. La premi?re commande de copies du Tamiflu, provenant du Nord ou du Sud, ferait des ?mules. Elle serait rapidement imit?e. Une autre cons?quence heureuse en serait de renforcer grandement la viabilit? ?conomique de la production de m?dicaments g?n?riques dans les pays du Sud.

Enfin, renoncer ? la clause de sortie permettrait de peser sur un d?bat qui se d?roule discr?tement ? Gen?ve, si?ge de l’OMC. L’Accord du 30 ao?t 2003 est provisoire. Il a ?t? entendu qu’il serait coul? en amendement permanent qui s’ench?sserait dans le texte de l’OMC qui traite des droits de propri?t? intellectuelle.(90) Les Etats-Unis et la Commission Europ?enne d?fendent comme ? l’accoutum?e des positions tr?s restrictives. Ils cherchent ?galement ? augmenter le poids juridique des d?clarations de non usage, voire m?me selon certaines interpr?tations, ? les rendre permanentes.(91)

Consumers International, la plus importante association internationale de consommateurs, qui regroupe 234 associations nationales de d?fense des consommateurs (92) dans 113 pays du monde, a fermement condamn? les "d?clarations de non usage". Elles induisent aupr?s du public la croyance qu’il est normal et in?luctable que les co?ts de fabrication des m?dicaments soient ?lev?s. Elles ont pour effet de r?duire la capacit? de production des stocks tant au Nord qu’au Sud, et d’augmenter le nombre potentiel de victimes en cas de pand?mie.(93)

Parlant de la grippe aviaire, Kofi Annan a d?clar? le 7 octobre que les Nations Unies n’allaient pas laisser les brevets faire obstacle ? l’acc?s aux m?dicaments, ajoutant qu’il refusait d’entendre le m?me genre de d?bat que pour les m?dicaments anti-sida.(94) M?me son de cloche ? l’OMS, o? on promet de soutenir les pays qui d?cideraient de recourir ? une licence obligatoire.(95)

Les voix sont nombreuses ? s’?lever pour r?clamer une meilleure compatibilit? entre les r?gles et pratiques en mati?re de brevet, et la sant? publique. Une premi?re ?tape en est le retrait des "d?clarations de non usage ". La d?marche ne manquerait pas d’appui dans le monde. On doit esp?rer qu’il n’y aura pas de pand?mie. En attendant, nous sommes tous devenus parties int?ress?es, parties prenantes, ? une question qui rel?ve de la sant? publique et de l’int?r?t public au Nord et au Sud. Somme toute, il y va aussi de ce qu’est un Etat de droit d?mocratique et du visage de la mondialisation.
Daniel de Beer
novembre 2005

(1) Les recherches dont ce document de travail est le fruit s’inscrivent dans le cadre du Programme d’attraction interuniversitaire sur les relations entre science et d?mocratie, pour le compte de l’Etat belge.
Rien dans ce document de travail ne doit ?tre compris comme refl?tant une prise de position sur la gouvernance mondiale de la pand?mie, la r?alit? des risques ou les m?rites du Tamiflu.
(2) Pour paraphraser la jolie formule de Florent Latrive (Lib?ration, 20 oct. 2005).
(3) Sauf indications contraires, les informations sur la grippe aviaire proviennent de l’Organisation Mondiale de la Sant? (OMS) (URL: http://w3.whosea.org/en/Section10/Section1027.htm ou http://www.who.int/csr/disease/avian_influenza/avian_faqs/en/index.html - derni?re consultation le 25 octobre 2005).
(4) Le sous-type "H" d?signe la capacit? du virus de se lier et d’entrer dans les cellules o? il peut d?s lors se multiplier. Le sous-type "N" indique sa capacit? de rel?cher de nouvelles formes du virus ? partir des cellules infect?es.
(5) Estimation faite ? la fin septembre. Le nombre augmente r?guli?rement.
(6) Le porc, particuli?rement sensible aux virus aviaires, peut jouer le r?le d’interm?diaire dans les ?changes de mat?riel g?n?tique viral entre les virus influenza des oiseaux et de l’homme par le biais du ph?nom?ne de r?assortiment g?n?tique (Universit? de Li?ge, 19 janv. 2004, URL: www.presse.ulg.ac.be).
(7) Certains scientifiques sont plus pessimistes sur les capacit?s du virus de devenir rapidement hautement infectieux pour les personnes sans avoir ? se combiner avec un virus humain. Voir par exemple les articles parus dans Nature ou Science (Nature, Vol 437, Issue 6, Oct. 2005, pp. 890-895; Science, Vol. 310, Issue 5745, Oct. 2005, pp. 77-80).
(8) Une partie du monde scientifique estime que l’?mergence d’une pand?mie grippale est in?luctable, seul le moment du d?clenchement demeurant incertain (Le Monde, 19 oct.; Toronto Star, Oct. 25; New England Journal of Medicine, Oct. 21; World News Australia, Oct. 31, 2005).
(9) Selon les pr?visions les plus sombres, la pand?mie pourrait faire de 40 ? 300 millions de morts (Health Gap Press Release, Oct. 18, 2005; David Fedson, 18 mai 2004 (URL: http://www.wipo.int/meetings/2004/stanford/en/program.html)).
(10) The Financial Times, Oct. 30, 2005.
(11) Par exemple en Hongrie (Le Monde, 19 oct. 2005). Les Etats-Unis ont conclu des contrats de recherche d’un vaccin avec le fran?ais Sanofi-Aventis (85 millions d’euros) et le Nord-am?ricain Chiron (50 millions d’euros) (The Associated Press, Oct. 28, 2005).
(12) D’apr?s le Ministre de la Sant? hongrois, un vaccin serait n?anmoins bel et bien en cours de d?veloppement en Hongrie (The Observer, Oct. 30). Cependant le processus de fabrication de ce vaccin prendrait ? lui seul neuf mois (Lib?ration, 2 nov. 2005).
(13) Le Monde, 21 oct. 2005.
(14) Le Tamiflu est pr?sent? comme ?tant actif contre les virus relevant cliniquement de la grippe. Il agit en inhibant, c’est-?-dire en bloquant l’action de l’enzyme neuramidase sur la surface du virus (un enzyme catalyse et augmente la vitesse des r?actions biologiques). Le virus ne peut alors se r?pandre et infecter les autres cellules du corps. Ce n’est cependant pas un m?dicament miracle. D’une part, son efficacit? est loin d’atteindre 100% (89% pour la grippe saisonni?re selon Roche). D’autre part, il y a un risque potentiel de voir le virus d?velopper une r?sistance au m?dicament. Enfin, la r?putation du Tamiflu a ?t? quelque peu ?corn?e par l’annonce de plusieurs d?c?s de personne qui, au Japon, avaient pris du Tamiflu pour soigner la grippe saisonni?re. Toutefois aucune relation de cause ? effet n’a ?t? ?tablie au 18 novembre (News Independant, Nov. 18, 2005)).
(15) Selon certains scientifiques, le Relenza serait moins ad?quat car il doit ?tre administr? par inhalateur, d’un usage peu commode ou moins efficace en cas de difficult? respiratoire (Nature, Vol. 435, 26 May 2005, pp. 407-409). D’autres scientifiques pensent au contraire que le zanamivir (Relenza) est aussi efficace que l’oseltamivir (Tamiflu), tout en ayant moins d’effets secondaires et en pr?sentant moins de risques de provoquer une r?sistance du virus (The Lancet, Vol 336, Issue 9485, 3 August 2005, pp. 533-534).
(16) Le co?t de production d’un traitement serait en Belgique de l’ordre de 20 € (Le Soir, 14 oct. 2005).
(17) Voir le site de l’OMS (URL: http://www.who.int/csr/disease/avian_influenza/en/, ou: http://www.who.int/csr/resources/publications/influenza/WHO_CDS_CSR_GIP_05_8-EN.pdf).
(18) La plupart des documents cit?s tout au long de ce document peuvent ?tre consult?s sur l’excellent site de Consumer Project on Technology (URL: http://www.cptech.org/ip/health/tamiflu/index.html#Licensing).
(19) Surtout dans la partie Nord de l’h?misph?re, les stocks ou les commandes de nombreux pays comme la Belgique comprennent ?galement du Relenza (France, 200.000 inhalateurs; Allemagne, 1.700.0000; HongKong, 150.000; Etats-Unis, 84.000…, d’apr?s Biota, l’inventeur du Relenza qui a ?t? ensuite conc?d? ? GlaxoSmithKline (URL: www.biota.com).
(20) Selon les d?clarations du Secr?taire au D?partement de la Sant? ?tasunien, Michael Leavitt ("The National Pandemic Influenza Preparedness and Response Plan: Is the U.S. Ready for Avian Flu", Nov. 4, 2005, URL: http://reform.house.gov)
(21) Voir le site europ?en consacr? ? la grippe aviaire (URL: http://europa.eu.int/comm/food/animal/diseases/controlmeasures/avian/index_en.htm) et les communiqu?s de presse (AFP, Reuters et Le Monde, 18 oct.; Reuters, 19 oct. 2005).
(22) Respectivement: The Observer, Oct. 23; UK Business, Oct. 26; AftenPosten, Oct. 27; Lib?ration, 2 sept.; Le Monde, 18 oct. 2005.
(23) Selon les d?clarations du Ministre de la Sant? belge, Rudy Demotte (Le Soir, 12 oct. 2005, voir aussi les informations sur le site belge consacr? ? la grippe aviaire. URL www.influenza.be). .
(24) Reuters, Oct. 19, 2005.
(25) Selon les informations disponibles, seule l’Afrique du Sud envisage de se doter d’une r?serve d’antiviraux. (Scidev Net, Oct. 27, 2005).
(26) Selon Olivier Hurstel, porte parole de Roche (Lib?ration, 20 oct.). Une centaine de pays et de firmes auraient n?anmoins pris contact avec Roche (The Associated Press, Nov. 3, 2005).
(27) Cfr. les d?clarations du Secr?taire au D?partement de la Sant? ?tasunien, Michael Leavitt (Time Magazine, Oct. 19, 2005).
(28) A de tr?s rares exceptions pr?s, comme la Norv?ge qui dispose d?j? de stocks pouvant traiter 25% de sa population (AftenPosten Norway, Oct. 27) et la France qui a 5 millions de traitements en stock et aura atteint les 14 millions recherch?s ? la fin de l’ann?e 2005, ce qui couvrira 23,8% de sa population (Lib?ration, 2 sept. 2005).
(29) Respectivement The Observer, Oct. 23; Reuters, Oct. 19; Diario de Noticias, 15 oct.; Bloomberg, Nov. 2; China Post, Nov. 1; Indian Express, Oct. 26; Jakarta Post, Nov. 1, 2005. Les chiffres exacts et complets de l’?tat des stocks et des commandes ? l’?chelon mondial ne seraient connus que de Roche et de l’OMS, o? ils sont consid?r?s comme confidentiels.
(30) Informations figurant sur le site de l’Union Europ?enne consacr? ? la grippe aviaire le 18 octobre 2005 (URL: http://europa.eu.int/comm/food/animal/diseases/controlmeasures/avian/index_en.htm).
(31) Ce d?lai ?tant d’ailleurs sujet ? caution, les informations fournies par Roche sur sa capacit? de production annuelle ?tant fluctuants (The Observer, Oct. 23; IDSA, Oct. 30, 2005).
(32) Selon les propos du Ministre de la Sant? Rudy Demotte (Le Soir, 12 oct. 2005).
(33) Les entreprises du m?dicaments (URL: www.leem.org).
(34) LATRIVE Florent, Lib?ration, 20 oct. 2005.
(35) Une partie du texte de cet accord est disponible (URL: http://www.cptech.org/ip/health/tamiflu/tamiflu-gileadrochelicense.html). Gilead a intent? en juin 2005 une action contre Roche pour non respect de cet accord. Certains de ses griefs ne manquent aujourd’hui pas d’ironie. Selon Gilead, Roche n’a pas cherch? ? p?n?trer tous les march?s significatifs comme elle s’y ?tait engag?e. Sur les 64 pays dans lesquels le Tamiflu a re?u une autorisation de mise sur le march?, Roche n’a commercialis? le produit que dans 19 d’entre eux. Par exemple, le produit n’a ?t? lanc? en Europe qu’en 2002, tout en ?tant mal support? par une faible campagne commerciale. ("Notice of Termination for Breach of 1996 Development and License Agreement", envoy? par Gilead ? Roche le 23 juin 2005, URL: http://www.gilead.com/pdf/gilead_8k_062305.pdf). Un accord mettant fin au litige est intervenu mi-novembre (Roche Press Release, Nov. 16, 2005).
(36) Le montant des royalties n’est pas certain. Il serait de l’ordre de 10% du b?n?fice des ventes. La cotation en bourse des actions de Gilead a augment? d’environ 30% en deux mois (CNN.Monney, Oct. 31, 2005).
(37) Financial Times, Nov. 10, 2005.
(38) Wall Street Journal Oct. 18; Le Monde, 19 oct., 2005.
(39) Selon les mots d’un analyste se r?f?rant aux commentaires des medias, Roche is seeking to "make a killing" of the drug.
(40) "Roche … fully intends to remain the sole manufacturer of Tamiflu" (Terry Hurley, porte-parole de la compagnie, le 12 oct., Chronicle Medical Writer, Oct. 13, 2005). C’est la solution la plus profitable, Roche ne devant pas partager les b?n?fices tir?s des ventes.
(41) Selon les mots de Alexander Klauser, porte-parole de Roche en Suisse (Market Watch, Zurich, Oct. 13, 2005). Voir aussi la d?claration officielle de Roche du 20 octobre (URL: http://www.rocheusa.com/newsroom/current/2005/pr2005102001.html).
(42) Shumer Press Release, Oct. 16, 2005 (URL: htpp://schmer.senate.gov/ShumerWebsite).
(43) Teva Pharmaceutical, Barr Laboratories, Mylan Laboratories et Ranbaxy Laboratories.
(44) Roche "sous-license" ? ces fabricants la production de Tamiflu, moyennant le paiement de royalties et le respect de plusieurs conditions dont l’interdiction de vente ? un prix inf?rieur ? celui de Roche et la limitation du march? au territoire ?tasunien. Sur le plan ?conomique, il n’est pas s?r que Roche y perde. En effet la diminution du b?n?fice recueilli sur chaque m?dicament est compens?e par l’augmentation du volume des ventes ? une hauteur que Roche n’aurait pas pu assumer seule.
(45) Voir la d?claration de Roche du 18 octobre (URL: www.Roche.com/med-cor-2005-10-18).
(46) Selon les pr?cisions apport?es par David Reddy, chef de la pandemic task force chez Roche (Intellectual Property Watch, Oct. 20, 2005).
(47) Ce n’est par exemple qu’? la mi-octobre que l’Espagne a pass? commande d’une dizaine de millions de traitements (El Pais, 20 oct. 2005).
(48) En 2004, le march? mondial du m?dicament se r?partissait comme suit: Am?rique du Nord 49%, Europe 28%, Japon 11%, Am?rique Latine 4% et l’Asie, l’Afrique et l’Oc?anie r?unis 8% (LEEM 2005, URL: www.leem.org).
(49) D’apr?s l’OMS, le budget pharmaceutique de la plupart des pays en voie de d?veloppement est de moins de 28 euros par habitant et par an (URL: www.remed.org).
(50) En r?alit?, avoir acc?s au march? international est une condition de viabilit? ?conomique partag?e par les pays industrialis?. D’apr?s l’OMC, m?me le Canada a un march? int?rieur insuffisant pour avoir une industrie g?n?rique viable s’il n’y a pas d’acc?s au march? internatinonal (WT/DS114/R-17 March 2000 (00-1012)).
(51) Limiter l’autorisation de produire le Tamiflu ? la seule fin de stockage et d’utilisation par le secteur public peut en outre s’av?rer d’une utilit? limit?e si une pand?mie appara?t. Sachant que le traitement doit ?tre pris dans les 48 heures de l’apparition des sympt?mes, les stocks risquent d’?tre d’une utilit? relative dans les pays qui ne disposent pas d’infrastructures publiques efficaces de distribution de m?dicaments. En pareille situation, le march? et la distribution publique doivent aller de pair pour ?tre efficients.
(52) Un m?dicament est qualifi? de g?n?rique s’il est copi? soit d’un m?dicament de marque encore prot?g? par un brevet, ou dont le brevet a expir?. Dans ce dernier cas, la copie g?n?rique du m?dicament original ne pose aucun probl?me. En revanche, un m?dicament de marque encore prot?g? par un brevet ne peut ?tre copi? sans l’accord du titulaire du brevet, ou en passant outre son accord par une licence obligatoire. Certains donateurs refusent de financer l’achat de m?dicaments obtenus sous couvert d’une licence obligatoire.
(53) Tout en devant les nuancer car l’acc?s aux m?dicaments ne d?pend pas que des prix, les chiffres parlent d’eux-m?mes. 7% seulement des personnes qui ont un besoin urgent d’un traitement antir?troviral dans les pays en voie de d?veloppement y ont acc?s, soit 400.000 en 2003, sur plus de 5.700.000 personnes (ONUSIDA, "Rapport 2004 sur l’?pid?mie mondiale du sida", juillet 2004, URL: www.unaids.org). Bien s?r cette moyenne ne tient pas compte des r?sultats remarquables obtenus ci et l? par des Etats, des ONG, des coop?rations publiques ou internationales, les Agences internationales ou des partenariats "public-priv?". Mais ce sont l? des poches dans un manteau largement trou?. Une ?tude conjointe de l’OMS et de MSF, portant sur dix pays pauvres frapp?s par la pand?mie du sida, a montr? de mani?re robuste que les prix les plus bas s’obtiennent quand il y a comp?tition entre fabricants de g?n?riques et firmes pharmaceutiques (Surmounting Challenges: Procurement of Antiretroviral Medicines in Low and Middle Income Countries, 2003, URL: www.accessmed-msf.org/documents/Finalpre-publversionSept17.pdf).
(54) Health Gap, Oct. 31, 2005.
(55) Roche est d?j? implant?e ? Shanga? et est en affaire pour ouvrir en Chine une nouvelle usine de production de certains de ces autres m?dicaments vedettes (China Daily, Oct. 25; SciDev Net, Oct. 27; CJAD, Oct. 31, 2005).
(56) Depuis le milieu des ann?es 90, l’Etat br?silien m?ne un programme public de prise en charge des malades du sida sont l’efficacit? est unanimement salu?e. La r?ussite de l’initiative vient d’une mobilisation multisectorielle et d’une participation forte de la soci?t? civile. Sur le plan ?conomique, la viabilit? du syst?me pour les finances publiques est obtenue pour une part par une n?gociation f?roce avec les firmes pharmaceutiques sur le prix d’achat des m?dicaments, et pour une autre part par la production d’antir?troviraux sous formes de g?n?riques.
(57) Voir notamment la d?claration de Bill Tauzin, le pr?sident du plus important lobby pharmaceutique ? Washington, le Pharmaceutical Research and Manufacturers of America dont Roche est membre (Reuters, Oct. 14) ou celle du porte-parole de l’American Enterprise Institute (New York Sun, Oct. 18, 2005).
(58) En r?alit?, cette "?tape explosive" implique une r?action chimique avec de l’acide de sodium, utilis?e de fa?on routini?re dans la fabrication des airbags automobiles (Wall Street Journal, Nov. 3, 2005).
(59) D?clarations des porte-parole de Roche des 10 et 12 octobre (New York Times, Oct. 11; Wall Street Journal, Oct. 13, 2005).
(60) Il y a un second argument voil? dans ce que dit Roche ? l’encontre des licences obligatoires. Pour qu’un nouveau m?dicament puisse ?tre mis sur le march?, il faut, au terme de longs et co?teux essais cliniques, avoir fait la preuve de son innocuit? et de son efficacit?. Il existe dans tous les pays une autorit? charg?e de d?livrer cette autorisation ? l’issue de l’examen du dossier technique du m?dicament et du r?sultat des essais cliniques (dans l’Union Europ?enne, le syst?me a ?t? unifi?). La proc?dure prend de nombreux mois. Chaque fois que Roche a voulu lancer son produit sur un march? national, elle a du se plier ? cette proc?dure, en utilisant le dossier qu’elle avait constitu? ? l’occasion de la premi?re mise sur le march? du Tamiflu, aux Etats-Unis. Bien entendu, Roche ne mettra jamais volontairement un industriel qui copierait son m?dicament sans son accord dans la confidence de son dossier technique et du r?sultat de ses essais cliniques (plusieurs pays consid?rent en effet que m?me le r?sultat des essais cliniques - qui par d?finition devrait pouvoir ?tre soumis ? la critique publique, constituent des "renseignements non divulgu?s" ? prot?ger (le principe de la protection des renseignements non divulgu?s est pr?vu ? l’article 39.3 de l’Accord sur les ADPIC de l’Organisation Mondiale du Commerce). En g?n?ral, la dur?e de cette protection varie entre cinq et dix ans). Or, que le Tamiflu soit d?j? agr?? dans un pays ou non, un m?dicament g?n?rique identique produit sous couvert d’une licence obligatoire doit lui aussi recevoir une autorisation de mise sur le march? (? cet ?gard, les l?gislations nationales varient d’un pays ? l’autre et sont fort complexes. Le r?gime est diff?rent si le Tamiflu a d?j? re?u ou non une autorisation de mise sur le march?. Dans l’affirmative, de nombreux pays all?gent les conditions de mise sur le march? d’une copie g?n?rique produite sous licence obligatoire, ? la condition bien s?r que l’identit? de la copie avec l’original soit ?tablie). A moins que la l?gislation de ce pays ne contraigne le titulaire du brevet, Roche en l’occurrence, de transmettre les r?sultats des essais cliniques lorsqu’il y a licence obligatoire, la demande de mise sur le march? pourrait se heurter ? de s?rieuses difficult?s.
(61) D’apr?s les d?clarations du pr?sident de la firme, le Dr. Yusuf K. Hamied (The New York Times, Oct. 14; Indian Express, Oct. 26; The Hindu Business Line, Oct. 26). En revanche, ce qui pourrait limiter la production de Tamiflu ou de sa copie est la raret? de l’une de ses composantes de base, l’acide "shikimic", obtenue ? partir d’une ?pice appel?e l’anis ?toil? ou badiane chinoise, provenant d’une plante qui ne pousse que dans certaines contr?es de Chine. L’anis ?toil? est aussi utilis? dans la fabrication du pastis. En quelques mois, le prix de l’acide "shikimic" a bondi de 40 ? 400 dollars le kilo (The New York Times, Nov. 5, 2005).
(62) The New York Times, Oct. 14, 2005.
(63) Respectivement: International Herald Tribune, Oct. 18; China Post, Nov. 1; Financial Times, Oct. 25; Wall Street Journal, Oct. 25; Bangkok Post, Oct. 17 and 18; Reuters, Oct. 18; Le Monde, 18 oct.; Reuters, Oct. 19; Korea News, Korean Broadcasting Service, Oct. 19; Times Hankooki, Oct. 31; Reuters, Oct. 27; People’s Daily Online, Oct. 27; China Post, Oct. 18; AFP, 24 oct.; China Daily and Xinhua, Oct. 25; Sun Star Minla, Oct. 15; The Philippine Star, Oct. 30, 2005.
(64) The National Health Research Institute and the Government Pharmaceutical Organisation. Respectivement: Wall Street Journal, Nov. 3; Bangkok Post, Nov. 5, 2005.
(65) A titre d’exemple, la Commission Europ?enne a ?t? saisie ce mois d’octobre par plusieurs compagnies internationales dans le domaine de la t?l?phonie mobile. Ces soci?t?s d?noncent les pratiques anti-concurrentielles et le montant des royalties r?clam?s par une entreprise concurrente dans le cadre d’un contrat de licence. Elles r?clament la suppression du contrat et l’?mission d’une licence obligatoire sur le brevet en question (Business Technology Network, Oct. 28; New Analysis, Oct. 31, 2005).
(66) Par exemple Roche a d?pos? en 2000 une requ?te en obtention d’une licence obligatoire pour des brevets d?tenus par Chiron, sur un test diagnostoic du sida. L’affaire s’est termin?e par un accord entre les deux compagnies en mai 2001 (rapport? par Consumer Project Technology. Pour la convention, voir URL: http://contracts.corporate.findlaw.com/agreements/chiron/roche.license.2001.05.22.html).
(67) On se souvient de la crainte qui a saisi l’Am?rique du Nord lorsque de myst?rieux envois postaux ont commenc? ? diss?miner de l’Anthrax, poudre mortelle, peu apr?s les attaques du 11 septembre 2001. Il pouvait s’agir des pr?mices d’une nouvelle attaque terroriste de grande envergure contre laquelle on ne pouvait se pr?parer qu’en se munissant de provision de ciprofloxacin, commercialis? par la firme allemande Bayer sous le nom de Cipra. Bayer ?tait incapable de r?pondre aux commandes du gouvernement ?tasunien dans les d?lais voulus. Le gouvernement a d?s lors menac? Bayer de passer outre ses brevets pour faciliter la production massive de copies g?n?riques de son m?dicament, sans toutefois mettre sa menace ? ex?cution. L’histoire s’est heureusement bien termin?e avec l’arr?t des envois meurtriers.
(68) Sous le titres de "Principes", l’article 8 de l’Accord sur les ADPIC pr?voit que "Les Membres pourront (…) adopter les mesures n?cessaires pour prot?ger la sant? publique (et…) ? condition que ces mesures soient compatibles avec les dispositions du pr?sent accord (…)". L’article 31 pr?cise les conditions et les modalit?s ? suivre pour qu’une licence obligatoire soit conforme ? l’accord.
(69) Le paragraphe 4 de la D?claration de Doha sur l’Accord sur les ADPIC et la Sant? publique, sign?e le 14 nov. ? la Conf?rence minist?rielle organis?e au Qatar en novembre 2001 confirme le principe selon lequel l’Accord sur les ADPIC "peut et doit ?tre interpr?t? et mis en œuvre d’une mani?re qui appuie le droit des membres de l’O.M.C. de prot?ger la sant? publique et, en particulier, de promouvoir l’acc?s de tous aux m?dicaments. On pouvait donc recourir pleinement aux dispositions de l’Accord sur les ADPIC qui m?nagent une flexibilit? ? cet effet". Par ailleurs, il ?tait pr?cis? que "chaque (pays) a le droit de d?terminer ce qui constitue une situation d’urgence nationale ou d’autres circonstances d’extr?me urgence", ?tant entendu que tel peut ?tre le cas des crises dans le domaine de la sant? publique, y compris celles qui sont li?es au VIH/SIDA, ? la tuberculose, au paludisme et ? d’autres ?pid?mies (?5.c de la D?claration) (URL: http://docsonline.wto.org/DDFDocuments/t/WT/Min01/DEC2.doc).
(70) A cet ?gard, les Etats-Unis sont les plus redoutables. Ils se sont dot?s en 1984 d’une l?gislation, plusieurs fois renforc?e, qui l?galise ces pratiques. La section 301 de la loi sur le commerce (Trade Act) leur permet d’exiger de leurs partenaires commerciaux qu’ils assurent une protection "ad?quate et effective" des droits de propri?t? intellectuelle am?ricains, sous peine de r?torsions ?conomiques. Les crit?res permettant d’?valuer si la protection est ad?quate et effective ne sont pas ceux de la l?gislation nationale du pays concern?, ni m?me ceux que fixent les r?gles internationales de l’Organisation Mondiale du Commerce. L’appr?ciation se fait selon les crit?res fix?s par la l?gislation am?ricaine elle-m?me. Nombreux sont les pays qui en ont fait la douloureuse exp?rience. La Tha?lande par exemple, qui compte plus d’un million de personnes atteintes par le VIH, avait tout ? fait l?galement produit un antir?troviral copi? d’un m?dicament sous brevet (la didanosine). Les r?torsions am?ricaines ne se sont pas fait attendre. Apr?s avoir perdu cent soixante cinq millions de dollars sur leurs exportations vers les Etats-Unis, la Tha?lande a du se r?soudre ? abandonner la production des pilules salvatrices pour un traitement en poudre, ? l’usage bien plus incommode, mais non couvert par un brevet (pour plus de d?tails: T. AMRIT GILL, "Patients versus Patent", New Internationalist, 362, Nov. 2003, URL: www.newint.org/issue 362/petients.htm). En Cor?e du Sud, le traitement qui prolonge la vie des personnes atteintes de la leuc?mie co?te 50.000 euro par an. Les malades se sont mobilis?s et ont convaincu le Ministre de la Sant? publique de mettre en place une licence obligatoire au profit d’un fabricant indien de m?dicaments g?n?riques, vendus ? un prix dix fois inf?rieur. La firme propri?taire du brevet a fait pression et a obtenu l’appui de l’administration am?ricaine. Le ministre de la Sant? a ?t? d?mis de ses fonctions et on ne parle plus de cette licence obligatoire ("Dying for drugs", Channel 4 TV UK, April 27, 2003, URL: www.cpetch.org/ip/health/gleerves/kore-arrest.htm).
(71) Notamment: DRAHOS, P., Information Feudalism - Who Owns the Knowledge Economy?, London, Earthcam, 2002; ABBOTT, F., "The TRIPS-legality of measures taken to address public health crises: Respondind to USTR-State industry positions that undermine the WTO", The Political Economy of International Trade Law - Essays in Honor of Robert E. Hudec, KENNEDY, Daniel M., SOUTHWICK, James D (eds), Cambridge University Press, 2002, p. 311-342; Robbing the Poor to Pay the Rich ? How the united States keeps medicines from the world’s poorest", Oxfam briefing paper, 56, Nov. 2003, URL: www.oxfaminternational.org; voir aussi les analyses du CPTech (URL: www.cptech.org/ip/health).
(72) Pour un aper?u plus complet du syst?me de licence obligatoire en regard de la sant? publique, voir le fort bon "FQP" (fr?quentes questions pos?es) disponible sur le site de l’OMC depuis le 19 octobre (URL: www.wto.org/french/tratop_f/trips_f/factsheet_pharm00_f.htm).
(73) Article 31.b de l’Accord sur les ADPIC. L’absence d’urgence n’emp?che pas d’?mettre une licence obligatoire, y compris pour des raisons de sant? publique. Par contre, il faut dans ce cas n?gocier au pr?alable avec le titulaire des droits li?s au brevet et lui laisser la possibilit? d’exercer un recours s’il n’est pas d’accord avec le montant des royalties qui lui sont accord?es (article 31.b et j). Pareil proc?s peut durer des ann?es.
(74) Article 31.h de l’Accord sur les ADPIC.
(75) Article 31.f de l’Accord sur les ADPIC.
(76) Paragraphe 6 de la D?claration de Doha.
(77) D?cision du Conseil g?n?ral des ADPIC du 30 ao?t 2003 (URL: http://www.wto.org/french/tratop_f/trips_f/implem_para6_f.htm).
(78) L’Accord du 30 ao?t a pr?vu deux licences obligatoires pour respecter la territorialit? du droit des brevets et des licences obligatoires. Les deux pays concern?s, importateur et exportateur, ?mettent chacun une licence nationale, conforme ? leur l?gislation respective, en s’attachant ? les rendre concordantes.
(79) Ces mesures et contraintes sont d?taill?es aux points 2 et 4 de la D?cision du 30 ao?t, dans une D?claration du Directeur du Conseil g?n?ral de la m?me date et dans un guide de bonnes pratiques. Les conditions sont bien plus lourdes que celles qui sont mises aux licences obligatoires ordinaires. Le pays demandeur doit ?tre en mesure d’apporter la preuve de l’impossibilit? de recourir ? ses ressources industrielles nationales pour r?pondre au besoin. Il doit pr?ciser la quantit? exacte du produit souhait?. La licence obligatoire du pays exportateur doit porter sur la quantit? pr?cise qui a ?t? command?e, le produit devant ?tre manufactur? et conditionn? de mani?re ? le diff?rencier de tout autre produit analogue et d’en permettre la tra?abilit? (couleur du m?dicament, emballage etc.). Des mesures administratives sp?ciales doivent ?tre prises pour renforcer l’absence de risque d’une r?exportation des produits. Le pays demandeur doit notifier le tout au Conseil des ADPIC et rendre les d?tails de l’op?ration publics sur un site web. La mise en œuvre de ces conditions requiert en fait une organisation technique et administrative hautement sophistiqu?e. Malgr? la rh?torique rassurante utilis?e dans les textes, ces conditions handicapent la viabilit? ?conomique de pareille op?ration. De nombreuses ?tudes d?taillent et analysent les difficult?s du syst?me mis en place (voir notamment A. M. POLLOCK & D. PRICE, "New Deal From the World Trade Organization May Not Provide Essential Medecines For Poor Countries", BMJ, Vol. 327, Sept. 13, 2003, pp. 571 - 572; F. M. ABBOTT, Trade Diplomacy, the Rule of Law and the Problem of Asymetric Risks in TRIPS, Quaker United Nations Office, Occasional paper 13, Sept. 11, 2003, www.quno.org; J. S. JAMES, "WTO Accepts Rules Limiting Medecine Exports to Poor Countries", AIDS Treatment News, Issue 394, Sept. 12, 2003, URL: www.aids.org/atn/a-394-01.html).
(80) Point 1.(b) de la D?cision.
(81) Belgique, France, Allemagne, Pays-Bas, Luxembourg, Italie, Espagne, Irlande, Autriche, Su?de, Royaume-Uni, Portugal, Danemark, et Gr?ce. La R?publique Tch?que, Chypre, Malte, l’Estonie, la Lituanie, la Hongrie, la Pologne, la Slovaquie et la Slov?nie ont annonc? qu’ils feraient pareille notification lors de leur entr?e dans l’Union Europ?enne.
(82) Canada, Australie, Finlande, Islande, Japon, Nouvelle Z?lande, Norv?ge et Suisse. D’autres pays ont d?clar?s qu’ils limiteraient aux situations d’urgence ou d’extr?me urgence le recours ?ventuel au syst?me d’importation organis? par l’Accord du 30 ao?t (HongKong, Isra?l, Cor?e du Sud, Kowe?t, Macao, Mexique, Qatar, Singapour, Taiwan, Turquie, et les Emirats Arabes Unis).
(83) En revanche, ces pays ne s’opposent bien s?r pas ? ?tre exportateurs. Le Canada et la Norv?ge ont d?j? int?gr? cette opportunit? dans leur l?gislation. L’Union Europ?enne, la Suisse et la Cor?e du Sud sont en voie de le faire.
(84) L’encre de l’accord n’?tait pas s?che que les Etats-Unis annon?aient leur refus de reconna?tre que les Philippines pouvaient rentrer dans le cas des pays d?pourvus de la capacit? industrielle en mati?re de pharmacie. Le raisonnement ?tait simple: s’ils n’ont pas d’industrie pharmaceutique, cela ne signifie pas qu’ils n’ont pas la capacit? d’en avoir une (D?claration de Robert Zoellick, repr?sentant des Etats-Unis pour le commerce, ? Cancun, le 12 septembre 2003, The Hindu, Sept. 15, 2003).
(85) Le premier qui a mis le doigt sur ce probl?me et l’a publiquement fait savoir est James Love, le directeur de Consumer Project on Technology bas? ? Washington (URL: http://www.cptech.org/ip/health/tamiflu/index.html#Licensing).
(86) Cfr. le site de l’Agence F?d?rale de la s?curit? de la Cha?ne Alimentaire (AFSCA) (URL: www.favv-afsca.fgov.be).
(87) Et entamer les d?marches administratives n?cessaires, comme la proc?dure d’autorisation de mise sur le march? du m?dicament g?n?rique.
(88) C’est l’ing?nieux syst?me propos? par James Love (Financial Times, Oct. 27, 2005).
(89) L’association Consumer Project Technology a ?crit le 19 oct. une lettre ouverte au Commissaire europ?en au Commerce, Peter Mandelson, le pressant de pr?ner ? l’?chelon europ?en le retrait des "d?clarations de non-utilisation" (URL: http://www.cptech.org/ip/health/tamiflu/cptech-mandelson10192005.html). Il n’y a pas eu de r?ponse. Au contraire, toutes les d?clarations provenant de la Commission Europ?enne vont dans le sens du maintien du syst?me actuel, voire m?me de son renforcement (cfr. notes infra).
(90) Point 11 de l’Accord du 30 ao?t. Les n?gociations se poursuivaient encore bon train en novembre dans l’espoir d’arriver ? un accord ? pr?senter lors de la Conf?rence Minist?rielle de l’OMC du mois de d?cembre 2005 ? HongKong. La derni?re r?union en date du Conseil des ADPIC, qui s’est tenue ? Gen?ve du 25 au 28 octobre, s’est sold?e par un ?chec. L’antagonisme entre les positions europ?ennes ou Nord-am?ricaines et celles d’un grand nombre de pays en voie de d?veloppement (qui souhaitent un all?gement des conditions d’application de l’Accord du 30 ao?t 2003) est telle qu’un accord est improbable, ? moins d’?tre obtenu en derni?re minute moyennant quelques concessions dans le dossier des subventions agricoles (Intellectual Property Watch, compte-rendu des 27 et 28 octobre, et du 11 novembre 2005, URL: www.ip-watch.org).
(91) La Commission Europ?enne a explicit? sa position en juillet 2005 dans un "non papier" (une prise de position officieusement officielle ou officiellement officieuse) (URL: http://lists.essential.org/pipermail/ip-health/2005-October/008515.html). Le jour m?me de la signature de l’Accord du 30 ao?t 2003, le Directeur g?n?ral du Conseil des ADPIC a lu une d?claration qui n’avait pas ?t? n?goci?e et qui n’est sign?e que de lui-m?me. Cette D?claration ne rentre dans aucune des cat?gories d’acte que les textes de l’OMC reconnaissent comme ?tant contraignants. Cette d?claration reprend la liste des pays qui ont notifi? une "d?claration de non-utilisation". La Commission Europ?enne veut que cette d?claration soit li?e ? l’amendement final par un renvoi explicite, ce qui risquerait de lui donner le statut juridique "d’accord partag?", ce qui est tr?s diff?rent d’une d?claration unilat?rale. Si elle arrive ? ses fins, c’en sera fini de la possibilit? de retrait ais? des "d?clarations de non usage". A tout le moins, cela donnera du grain ? moudre ? ceux qui veulent leur voir reconna?tre le statut juridique d’un engagement permanent.
(92) Dont Test Achats en Belgique.
(93) Statement to TRIPS Council on Access to Medicine, in the Context of Avian Flu Pandemic and Other Emergencies, Oct. 25, 2005 (URL: www.consumersinternational.org).
(94) The New York Times, Oct. 11, 2005.
(95) Selon les propos de Maria Cheng, porte-parole de l’OMS (Lib?ration, 20 oct. 2005).




topics

Patent law : from matters of fact to matters of concern

keywords

loyalty of knowledge , loyalty of law , matter of concern , patent , wto within a device

By the same author