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To engage GM in a democratic and scientific innovation
Thursday 26 May 2005 by Denys, Sebastien

This text was presented at the workshop « Evolution des formes d’engagement public » at the Congrès trisannuel de l’Association Belge de Science Politique (ABSP-CF). It develops reflexions started at the time of the lawsuit of the décontaminateurs of Monsanto (see « OGM : A quoi servent les fauchages ? », in L’Ecologiste, vol. 5 N°3, Oct. 2004) in relation to the elements gathered in the compilation related to the evaluation of one oilseed rape of Bayer (Presented at PAI-VUB the seminar on last June, see: http://www.imbroglio.be/weblog_pai_archive/000300.html). The text approaches certain forms of involvement, which contributed of what became GM today. The history of GM technology and the reactions which they cause will make it possible to introduce the observation of a specific demonstration and its impact on its environment and then the development of particular scientific information within the framework of a precise procedure. The question will be to know up to what point and how the mobilization of the public gave consistency to the debate.

The text formatted is available on: http://www.imbroglio.be/weblog_pai_archive/Denys_Engagement_post.doc
Slides of presentation:http://www.ulb.ac.be/sciences/lubies/pai/DenysEngagement.ppt
The abstract is available on: http://www.imbroglio.be/weblog_pai_archive/Denys_engagement_29_04.doc

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Engager les OGM dans une innovation d?mocratique et scientifique

S?bastien Denys

26 mai 2005

Ce texte porte sur certaines formes d’engagements qui ont contribu? ? ce que sont devenus les OGM aujourd’hui. La question sera de savoir dans quelle mesure et comment la mobilisation du public ? a donn? consistance au d?bat ? ? L’histoire des OGM et des r?actions qu’ils suscitent me permettra d’introduire l’observation d’une manifestation pr?cise et de son impact sur son environnement puis la mise en valeur d’une information scientifique particuli?re dans le cadre d’une proc?dure pr?cise.

1. Introduction

La conf?rence d’Asilomar en 1974 est r?guli?rement pr?sent?e comme une apoth?ose de l’autor?gulation scientifique . Les premiers projets de laboratoire n’en susciteront pas moins des inqui?tudes chez les riverains . Les techniques permettant la transg?n?se v?g?tale sont d?velopp?es au d?but des ann?es ’ 80. En 1987, le premier essai en plein air d’une bact?rie g?n?tiquement modifi?e est surtout connu comme ? premi?re mondiale ? d’une opposition d?termin?e ? cette technologie . En Europe, la mise en place d’un r?gime d’autorisation pr?alable pour les OGM devait pr?venir l’?mergence d’une opposition - ceux-ci n’en feront pas moins une entr?e remarqu?e dans l’espace public europ?en . En 1997, lorsque le principe de l’?tiquetage est adopt?, les OGM sortent du cadre ? technique et scientifique ? dans lesquels ils ?taient confin?s , mais ce n’est qu’un d?but. Des paysans d?truisent un stock de ma?s Novartis emp?chant la commercialisation de ces semences. En juin 1999, les Ministres de l’Environnement de l’Union ent?rinent le blocage politique de fait sur les autorisations de commercialisation.

Avec le moratoire, les OGM sortent d?finitivement du canevas habituel du d?veloppement des innovations. Dans les termes propos?s par Bruno Latour, partis ? la rencontre d’un objet technique, nous sommes maintenant en pr?sence d’une sorte de chose publique . Simultan?ment ? la mise en place du moratoire, la destruction de riz transg?nique au CIRAD de Montpellier est r?v?latrice . Que des Indiens et des paysans s’en prennent ? la recherche agronomique ? destination des pays du Sud repr?sente une forme d’aboutissement pour une entr?e en politique des OGM . Mais qu’ils s’en prennent ? un essai issu de la recherche publique, qui plus est confin?, conduit "? un d?bat sur les essais en champ,[et] le r?le de la recherche publique ". La pratique de la destruction de champs d’essais se diss?mine alors rapidement .

2. D?contamination d’OGM chez Monsanto

Une existence contestable. Notamment en mai 2000 pr?s de Namur, 200 personnes d?truisent une exp?rimentation d’OGM sur les terres de Monsanto . La premi?re liste des champs est publi?e directement en rapport avec cette manifestation . A l’?poque, les biotechnologies sont au fa?te de leur gloire. Quelques jours plus t?t, la " diss?mination volontaire dans l’environnement " de 72 parcelles d’essais avait ?t? autoris?e. L’infographie qui illustre l’annonce de la multiplication des parcelles est illustr?e d’un tracteur, embl?matique d’une agriculture conqu?rante . L’ann?e suivante, la m?me infographie, cette fois sur fond d’une photo de la manifestation chez Monsanto, illustre la chute vertigineuse des surfaces cultiv?es . L’existence des parcelles d’essais est devenue une prise privil?gi?e pour la contestation, une contestation qui s’actualisera r?guli?rement jusqu’? faire de chaque implantation l’objet d’une attention particuli?re . L’ann?e suivante la campagne estivale tourne ? la b?r?zina . Quelques mois plus tard, la Belgique cesse officiellement d’?tre un laboratoire grandeur nature .

Modifier les termes du d?bat. La manifestation chez Monsanto contribue ? enrayer la multiplication des biotechnologies agricoles, elle contribue tout autant ? la " manifestation de la v?rit? ". Il suffit de comparer trois cartes, celle de la r?partition des essais au moment de la manifestation, une autre o? chaque parcelle d’essai est not?e par un cercle repr?sentant sa zone d’influence de 2,5 km , et la troisi?me qui montre la zone d’influence en se basant sur des donn?es plus r?centes : des flux de g?nes sont observ?s sur une distance de 26 km . Rapprocher les donn?es scientifiques disponibles, les preuves produites lors de l’?valuation et les mesures de bios?curit? permet de mesurer le gouffre entre une diss?mination r?put?e insignifiante et celle qui prend en compte le simple fait que le pollen est sp?cifiquement con?u pour se diss?miner . Cette fonction biologique est le contraire d’une d?couverte, mais dans le discours des experts, "ce n’est que r?cemment que le caract?re in?vitable d’un taux, m?me tr?s faible, de diss?mination a ?t? reconnu. " Finalement, m?me les scientifiques interpell?s au CIRAD conviennent d?sormais que ? la diss?mination d’OGM dans des milieux qu’ils vont immanquablement contaminer ne peut ?tre accept?e ? et reconnaissent la " fonction d’alerte " qu’ont eue ces actions .

Des pratiques de "responsabilit? civile non-violente" - "piraterie", "vandalisme", "sabotage" - , ont permis aux mangeurs, paysans, citoyens et scientifiques de reprendre en main ce qu’ils mangent, s?ment, savent ou proposent . La manifestation chez Monsanto contribue ? red?finir les termes du d?bat. Selon Patrick Legrand (INRA), les citoyens qui envahissent les laboratoires, " peuvent, par la globalit? de leur approche et par leurs questionnements parfois ill?gitimes, apporter des ?l?ments d?terminants et innovants ." Martin Hirsch (Affsa) dira lui que les " actes de destructions" sont " motiv?s par des interrogations et des doutes qui, bien qu’initialement r?fut?s, se sont trouv?s ? posteriori, au moins partiellement fond?s. " La formulation est prudente, mais sa port?e est claire : sans ceux qui ont risqu? ces actions, nul n’aurait m?me pris la peine de concevoir ces " interrogations fond?es ? posteriori ". Outre la ? diss?mination ?, citons ?galement les allergies ou l’apparition de plantes et d’insectes tol?rants ou encore l’augmentation des quantit?s d’herbicide utilis? et ses effets n?gatifs sur la biodiversit?.

3. Evaluation du colza de Bayer

Ente-temps le l?gislateur a impos? des r?gles plus contraignantes pour l’?valuation des risques "montrant par-l? l’inad?quation des r?gles en vigueur ant?rieurement ." Les crit?res ? prendre en compte sont profond?ment remani?s . Lors de l’?valuation en Belgique du colza MS8&RF3 de Bayer , des citoyens se sont mobilis?s pour donner de l’importance ? une information scientifique n?glig?e: les r?sultats de l’?tude Farm Scale Evaluation (FSE) .

Faire valoir les FSE pour les OGM. Le colza de Bayer a r?guli?rement d?fray? la chronique des OGM en Belgique , son d?veloppement est entam? en 1994. Une proc?dure de commercialisation est engag?e deux ans plus tard, elle est interrompue par le moratoire . D?but 2003, Bayer introduit une mise ? jour de son dossier, son instruction aupr?s des comit?s d’experts du Conseil Consultatif de Bios?curit? (ci-apr?s Conseil) en charge de la proc?dure d’?valuation des risques en Belgique se d?roule dans la plus grande discr?tion . Une r?union d?cisive est pr?vue pour le 8 octobre lorsqu’une ? fuite ? permet ? Friend of the Earth d’attirer l’attention sur l’importance des FSE . D?but octobre, le Guardian divulgue les r?sultats de l’?tude. Ceux-ci ?tablissent une diminution de la biodiversit? dans les champs d’OGM tol?rants aux herbicides . Le proc?s des d?contaminateurs de Monsanto servira de caisse de r?sonances entre ar?nes judiciaires et administratives, indig?nes et europ?ennes . Plusieurs associations tirent la sonnette d’alarme ? propos de l’imminence de la d?cision . La s?r?nit? des d?bats ne pouvant plus ?tre assur?e, la d?cision est report?e . La succession des ordres du jour des r?unions est r?v?latrice du changement de trajectoire provoqu? par l’irruption d’un public. Lors de la premi?re r?union, les membres du Conseil avaient ?t? pri?s d’ent?riner imm?diatement la ? pr?sentation du dossier ?, lors de la r?union suivante, le colza est escamot? au profit de nouveaux enjeux : les ?tudes FSE et la ? m?thodologie de communication du Conseil ?.

Faire valoir les FSE pour le colza de Bayer. Les FSE seront pris en compte mais pas forc?ment pour ce qui importe. S’ils ont pes? dans le report , il appara?t que les FSE et le colza pourraient ?tre abord? de fa?on ind?pendante . Enfin, il est rapidement clair que ? dire que les herbicides suppriment la biodiversit?, ce n’est pas une nouveaut?. ?. Les associations orientent alors leur action en vue d’?tablir la port?e de l’?tude dans le cadre de la l?gislation sur les OGM et donc pour le colza de Bayer .

Faire valoir la port?e des FSE. Experts, citoyens, membres du Conseil, ONG et Ministres se retrouvent apr?s la pause hivernale. Il est question d’aboutir le 19 janvier . L’avant-projet d’avis reviens ? une position d’arri?re garde selon laquelle l’?valuation des risques n’a ? prendre en compte que des risques imm?diats et intentionnels li?s aux caract?res technologiques propre de l’innovation en tant que telle (les ? OGM en soi ?). Les FSE ont alors une port?e en ce qui concerne l’?valuation des pesticides mais pas pour l’?valuation du colza. Nouveau rebondissement, des membres du Conseil demandent le report de la d?cision , d’autres experts pr?parent un projet alternatif . La d?cision est encore repouss?e. Plut?t que le compromis attendu, le secr?tariat du Conseil met en avant ses pr?occupations propres . La situation est terriblement confuse . Le 26 janvier, le Conseil adoptent deux avis : sur le colza et sur les FSE .

La d?cision finale revient aux ministres qui se conforment ? l’avis des experts. L’avis belge recommande d’autoriser l’importation du colza sur le territoire de l’Union, mais de rejeter la mise en culture . La proc?dure qui devait ?tre exemplaire dans le cadre de la lev?e du moratoire, cr?? finalement plusieurs pr?c?dents . C’est le premier dossier ? s’affranchir d’une proc?dure in?luctablement positive. C’est aussi la premi?re fois que la possibilit? ouverte par la nouvelle Directive d’?largir l’?valuation aux ? pratiques culturales ? et ? la ? biodiversit? ? est mise en oeuvre .

Histoire sans fin. D?s l’entame de la proc?dure europ?enne, nouveau coup de th??tre , une ? lettre de clarification ? interpr?te l’avis belge pour le restreindre . La question de la port?e des ?tudes FSE est r?ouverte. La proc?dure se poursuit aupr?s des autres Etats Membres qui pour la plupart soutiennent la position belge . L’avis britannique pr?conise des pratiques culturales qui n’impliquent pas l’usage d’un herbicide . Ce qui peut ?tre compris ? la lumi?re d’une remarque du second draft propos? par le Service de Bios?curit? et Biotechnologie qui attire l’attention sur "the strat?gic importance of … the System MS8 and RF3 in the production of oilseed rape hybrids [that] opens a cheaper road to the sustainable green petroleum/chemical industries in the EU. " L’avis fran?ais met le doigt sur le manque de donn?es permettant d’?valuer les cons?quences sanitaires et propose une introduction progressive par ? r?gion ?. Il souligner la port?e de l’?tude FSE en ce qui concerne les autres types cultures , de la m?me fa?on que le Conseil avait conclu que "the GM case has created the conditions that, one can hope, will give an impulse to the realisation of such monitoring. Had such monitoring been initiated in the last decades, the decay in farmland biodiversity resulting from agricultural intensification would have been anticipated and actions would have been taken. "

4. Conclusion

Ce texte nous aura permis d’aborder le r?le de l’engagement public dans le devenir contestable des OGM et de mesurer le chemin qu’il a fallu parcourir entre, d’un c?t?, les ?vidences rendues incontournables par la mobilisation citoyenne - le pollen est sp?cifiquement con?u pour se diss?miner, les herbicides sont nocifs pour l’environnement,... -, et de l’autre les confirmations scientifiques issues d’?tudes qui ont fini par accepter de prendre en compte ces ?vidences. Elle nous aura aussi permis d’aller un cran plus loin. Un parcours du combattant s’engage avant que les Farm Scale Evaluations justifient un avis n?gatif de l’Autorit?s Comp?tentes belge. Pour atteindre ce r?sultat, il a fallu s’assurer de la prise en compte de l’?tude (report de la d?cision du 8 octobre), qu’elle porte ? cons?quence pour le colza (novembre-d?cembre), puis de la port?e de ces r?sultats (janvier). Tout ceci pour faire valoir une information scientifique dont toute les parties soulignent l’importance. Une preuve scientifique ne s’impose pas d’elle-m?me par sa seule validit?. Son importance est li?e aux int?r?ts qu’elle coalise et aux moyens engag?s pour les faire valoir. Pour qu’elle acqui?re finalement le statut d’objection, elle doit permettre de s’affranchir d’une proc?dure d’accompagnement des innovations .

Au fil de ce texte, nous avons fait des OGM une question politique, puis d’un OGM une question scientifique. Ce qui revient finalement ? envisager la cohabitation d’un objet politique, dont les cat?gories sont celles de la lutte, et d’une chose scientifique, devenant de plus en plus concr?te ? mesure que les scientifiques ne sont plus somm?s de s’int?resser au seul ? OGM en soi ?. Le mouvement qui fait sortir les OGM de leur sph?re de confinement technique et scientifique nous conduit des OGM ? Seattle . Il butte rapidement sur les limites de la souverainet? politique (pouvoir des multinationales, r?le des institutions internationales, d?finition de ce qui est appropriable.) Le mouvement qui conduit ? s’engager dans les enjeux scientifiques permet ? de plus en plus de gens de se sentir concern? par les orientations de la recherche . Nous sommes d?sormais pass? des biotechs aux biotechs et nanotechs . A moins qu’elle ne s’enlise pas dans les sables mouvants de la citoyennet? technique, l’histoire des OGM nous aura permis d’avancer dans le sens d’une ? science citoyenne ? dans le double sens de cette expression : un engagement scientifique pour les citoyens et citoyen pour les scientifiques.