This text was written by Marc Mormont following a discussion we had with a psychanalyst in one of our research seminar at the FUL. The topic was : how to go from cases to concepts ? Marc Mormont stresses the relation between knoledge production in the scientific field and Truth effects production ("Effets de vérité" chez Foucault).
Marc Mormont - FUL
Nous interrogions r?cemment un psychanalyste sur la question : comment passe-t-on des cas aux concepts dans votre discipline . Notre question ?tait presque m?thodologique. La r?ponse - tr?s sommairement r?sum?e ci-dessous - appelle une r?flexion sur les rapports entre science et v?rit? dans les sciences humaines.
La psychanalyse (ou certains psychanalystes)(1)pose, que la v?rit? dont la psychanalyse a affaire est enti?rement dans la relation entre l’analyste et l’analys?. C’est l? qu’il y a production d’une v?rit? qui n’est ni ? l’un ni ? l’autre mais en commun. Le m?me analyste d?finit alors les concepts, le travail sur les concepts, qui s’effectue entre analystes, non comme production de v?rit?, mais comme construction et validation d’instruments conceptuels et autres qui tiennent ou non dans cette production de v?rit? qu’est la relation th?rapeutique ;
Ma premi?re r?action a ?t? de penser qu’on trouve l? un mod?le qui nous d?cale (en tout cas nous sociologues, mais ce serait pire pour les ?conomistes) d’une vision o? il y a confusion entre production de connaissances (concepts, m?thodes, r?sultats) et v?rit?. L’int?r?t de la position du psychanalyste est de nous forcer ? poser la question de la v?rit? non en termes de produits de connaissances (valid?es par les pairs) mais en termes d’effets de connaissances produits dans le champ social. On pourrait s’appuyer l?-dessus sur Foucault . En conclusion, il faut pour reprendre le vocabulaire de Foucault distinguer entre l’exp?rience (du malade, du riverain, etc), les constructions scientifiques des probl?mes (?tiologie, etc) et enfin une instance de savoir qui parle de la circulation et de l’?change entre les deux premiers. C’est dans cette instance du “ savoir ” que se jouent les effets de v?rit?. Cela renverse ? mon sens le statut des sciences sociales qui n’ont pas ? prendre une position ni ext?rieure aux autres sciences, ni ext?rieure ? la soci?t?. Nous n’avons pas ? dire la v?rit? du monde social dans lequel nous sommes, mais ? interroger les effets de v?rit? (qui n’appartiennent ? personne, ni institutionnellement, ni disciplinairement) des connaissances que nous produisons . Cela tourne ?videmment les sciences sociales dans une autre direction qui est celle d’?valuer leurs capacit?s ? susciter des effets d’apprentissage.
La vision que j’ai propos?e est peut-?tre un peu trop radicale; je crois qu’on peut effectivement consid?rer le travail des psychanalystes entre eux, sur leurs concepts, leurs th?ories et leurs m?thodes comme une production de connaissances; ce que pose comme question celle de la v?rit? dans la relation th?rapeutique c’est bien celle de la validation de ces connaissances. Validation n’est pas entendu ici comme "v?rification" ou "falsification", mais comme "production d’une v?rit?" (au sens o? Fouclut l’entend cad production d’un effet de v?rit?).
l’effet de v?rit? doit ?tre pr?cis? : par exemple l’hypoth?se que les ?missions de CO2 doivent provoquer un changement du climat a ?t? formul?e tr?s scientifiquement dans les ann?es vingt, elle appartient depuis lors ? l’univers de connaissances en ce sens qu’elle appartient aux hypoth?ses et th?ories (peu contest?e), mais elle n’a produit un effet de v?rit? que dans les ann?es septante quatre-vingt dans un autre contexte; il ne faudrait pas croire que l’effet de v?rit? c’est simplement un contexte sociologique qui rend acceptable un ?nonc? ou une th?orie; l’effet de v?rit? c’est la transformation que l’?nonc? op?re dans un r?gime ou un syst?me de discours et de pratiques; il y a effet de v?rit? ? partir du moment o? on ne pense plus comme avant les questions de climat, d’environnement, de d?veloppement, de relations internationales. Il ne faut donc pas confondre effet de v?rit? et sociologie des sciences. C’est d’autre chose qu’il s’agit.
la notion de validation d’une connaissance peut ?clairer cela bien que je pense qu’il s’agit d’un programme faible des effets de v?rit? : valider une technique agronomique consiste en fait ? proc?der ? sa mise en oeuvre dans des conditions o? on va voir si elle marche, donc si elle a des effets sur les m?thodes et syst?mes de production, ce qui d?pend de la validation scientifique (en labo, en champ, etc) mais pas seulement.
ce sur quoi j’ai voulu insister en parlant de recherche-intervention c’est que, dans certaines conditions, la validation ou l’effet de v?rit? est une condition du d?veloppement des connaissances. Il en a ?t? en quelque sorte comme cela de l’hypoth?se CO2- changement climatique : c’est seulement ? partir du moment o? il y a eu effet de v?rit? (dispute et controverses scientifiques et politiques) que l’hypoth?se a pu ?tre d?velopp?e, test?e, affin?e... Or en sciences sociales il y a pas mal de situation analogue ? savoir que c’est seulement par le transfert d’une hypoth?se ou d’une th?orie dans la pratique sociale (et les effets de v?rit? qu’elle produit) qu’on peut faire avancer l’hypoth?se et la recherche.... Dans quels cas ?
or des questions comme la durabilit? peuvent ?tre trait?es de deux mani?res :
a. sur base des connaissances fragmentaires existantes constituer un corps de crit?res, d’indicateurs et les appliquer sans trop se pr?occuper des effets de cela. Cela peut ?tre dangereux. par exemple dans les ann?es septante on observe scientifiquement un forte corr?lation entre consommation d’?nergie et niveau de d?veloppement si bien que on peut "mesurer" les impacts sur l’environnement ? partir de l?. R?sultat : il faut diminuer le niveau de d?veloppement si on veut r?duire les impacts. On n’imagine pas (ce qui va appara?tre ensuite) qu’il est possible de d?coupler ?nergie et production ?conomique.
b. Une autre mani?re est de faire un diagnostic partiel des dimensions de la durabilit? dans un cas pr?cis (le choix du cas est li? ? son potentiel d’innovations donc de tensions) et de se demander quelle hypoth?se serait de nature ? transformer ces tensions en quelque chose de nouveau : en introduisant cette hypoth?se dans le champ social on va produire des “ effets de v?rit? ” et, potentiellement, des changements qui vont nourrir la r?flexion sur la durabilit?, les connaissances techniques et scientifiques.
D’un point de vue plus critique, il y a alors ? s’interroger sur les effets de contre-v?rit? que produisent les connaissances en sciences sociales. Je pense que toute une litt?rature sur le perception des risques est pleine de contre v?rit?s en ce sens qu’elles reproduisent seulement des pr?suppos?s sur la dichotomie rationalit? experte/irrationalit? populaire.
(1) Expos? du Dr. Fraschina - psychanalyste et secr?taire de la soci?t? belge de psychanalyse - lors du s?minaire SEED (FUL)en mai 2003.
Very exciting text, thank you! It correlates with what I have been trying in the guestlecture in Rotterdam on ’expert, citizen, lawyer and gene (under topic 76: How does the law understand and construct the power it associates with genes?). Precisely in court the construction of the gene (its ’effects de vérité’?) continues, forces itself into the societal context which at the same time is reconstituted (society understood as a conglomerate of humans and non-humans that cannot be seperated). Helas my text is in Dutch.
dans ma contribution sur le 18 brumaire etc., je mettais en cause la généralité du modèle du "progrès scientifque", et je soulignais que les sciences sociales manquent peut-être d’une symbiose avec la technique (aujourd’hui laissée aux méchants manipulateurs, mais pourquoi la leur laisser ?)Je me demande si les effets de vérité n’impliquent pas la technique (ceux qui ont produit l’effet de vérité sur le réchauffement climatique ont d’ailleurs été accusés de manipuler l’opinion : ils ont fait ce qu’ils savaient devoir faire...